mardi 4 décembre 2012

Test de la page 99, prix de la page 111, 112... De qui se moque-t-on?

Contamination du zapping devant la croissance exponentielle du nombre de chaînes de télévision? Influence de Twitter où il faut faire court? Etat général d'une population en proie à la paresse? Même la lecture rapide est dépassée par le mouvement, puisqu'il n'est plus question de lire un livre dans son intégralité pour juger de sa qualité. Une page suffit. Les initiatives se multiplient (le test de la page 99, le prix de la page 111, celui de la page 112), nous n'avons pas fini d'en voir fleurir d'autres, puisque cela nourrit au moins la conversation, voire la polémique. (David Caviglioli a déjà dit sur le sujet à peu près tout ce que j'en pense dans Peut-on juger un livre en n'en lisant qu'une page? mais, la preuve que ça fonctionne, j'y reviens moi aussi.)
Coup de chance, le prix de la page 111 est allé à un roman que j'aime beaucoup et dont je vous ai d'ailleurs parlé ici, La blonde et le bunker, de Jaluta Alikavazovic. Mais, entre nous, on aurait pu tout aussi bien choisir la lauréate au hasard, elle avait à peu près les mêmes chances de l'emporter. On nous dit que chaque page d'un roman est représentative de son ensemble. Mouais... On ne m'ôtera quand même pas de l'idée qu'une fiction est faite pour être lue de la première à la dernière page, sans sauter une ligne, parce que nul lecteur ne sait à l'avance où l'écrivain a caché les noeuds de sa narration, les petites bombes qu'il fait exploser sous nos pieds, les surprises et les digressions. Et parce que, bon sang, si quelqu'un a travaillé son texte jusqu'à lui donner une forme définitive (ou à peu près, oublions provisoirement les remords qui influencent parfois une réédition), c'est parce que le livre doit avoir cette forme et aucune autre.
On nous dit aussi qu'un acheteur potentiel, en librairie, regarde la couverture et la quatrième de couverture, le nom de l'auteur, parfois celui de l'éditeur, feuillette, lit quelques pages, cherche à se faire une idée du ton, du sujet, en gros, de tout ce qui va l'amener à penser que le livre qu'il a devant les yeux lui conviendra - ou non. C'est vrai. Mais aucune mécanique ne conduit ce découvreur à ouvrir systématiquement l'ouvrage à la page 99, ou 111, ou 112, et à s'arrêter là. C'est beaucoup plus subtil...
Voilà pourquoi vous ne trouverez jamais, dans Le journal d'un lecteur (ou dans mes articles du Soir), d'avis fondé sur une page d'un livre, ou sur une lecture superficielle. Bien sûr, ça prend plus de temps. Et alors? Quand on aime, on ne compte pas. (Je viens de passer une quinzaine d'heures à lire le dernier roman traduit en français de Richard Powers, Gains, et je me réjouis de l'avoir fait.)

2 commentaires:

  1. c'est très bien ce que vous faites, et continuez ainsi, je vous en félicite,de ce temps que vous prenez pour lire autant et nous faire partager , et avec le style, jamais redondant, mais une question, comment vous faites? trouver le temps de lire, écrire, et au fait de tout les concours littéraires, une question comme ça, un petit secret à partager ou à garder, la marque de fabrique?

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  2. Merci pour votre commentaire. Il n'y a pas de secret: je ne travaille à peu près qu'à ça...

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