samedi 7 décembre 2013

Yvon Toussaint, l'autre disparu de la semaine

Chère cousine,

D'autres parlent mieux que moi de Nelson Mandela dont la mort, bien qu'attendue, m'a fait trembler un instant. Ce bref tremblement s'est renouvelé tout à l'heure quand j'ai appris, en lisant Le Soir dont il avait été directeur et rédacteur en chef, la mort d'Yvon Toussaint. Ce nom ne te dit peut-être rien, bien que tu puisses trouver dans mon blog une note consacrée à L'assassinat d'Yvon Toussaint - un autre Yvon Toussaint, parfait homonyme et médecin haïtien. En revanche, tu as déjà entendu parler de son fils, Jean-Philippe, qui a été un des romanciers les plus en vue de la dernière rentrée littéraire. Car oui, c'est la même famille, dans laquelle on trouve aussi Monique, une libraire - l'épouse d'Yvon -, et Marie-Dominique, leur fille, donc la sœur de Jean-Philippe, productrice de cinéma.
Yvon avait quitté Le Soir depuis longtemps - à l'arrivée de Robert Hersant dans le capital de la société, et pour des raisons de principe auxquels ils sont si peu nombreux à être fidèles. Il y était revenu, certes, par le biais d'une chronique dont la pertinence prouvait, s'il en était besoin, qu'il avait gardé son regard aigu sur le monde et la manière dont celui-ci tourne plus ou moins régulièrement.
Il avait été mon patron quand il m'a engagé à temps plein alors que j'étais un pigiste parmi beaucoup d'autres. En fait, il m'avait déjà chargé, en plus des articles littéraires que je donnais depuis 1983, d'une tâche excitante et lourde, pour laquelle j'avais travaillé à mi-temps pendant un an: réaliser deux fois par semaine, en collaboration avec un autre journaliste, une page résumant une année vue par le journal qui avait cent ans en 1987. C'est devenu un livre, que malheureusement j'ai égaré mais qu'on trouve encore dans le commerce de l'occasion.
J'ai, tu l'imagines, de nombreux souvenirs d'un homme que je respectais, admirais, et auquel je portais aussi de l'affection. Une seule anecdote. En 1987 aussi, Pierre Mertens reçoit le Prix Médicis. Il était aussi collaborateur du Soir. Forcément, nous étions heureux pour lui, et même pour nous, après tout. Il y avait des articles à écrire pour l'édition du lendemain. Il a fallu travailler vite car à peine la nouvelle était-elle connue qu'Yvon Toussaint avait réservé trois places dans le train de Paris pour que lui-même, Jacques de Decker et moi puissions être le soir même à la fête organisée par l'éditeur de Pierre, Le Seuil, pour saluer le lauréat. Une belle fête, d'ailleurs, prolongée très tard jusque dans les rues qui nous ramenaient à notre hôtel puis dans la chambre de Pierre où nous avons vidé le mini-bar. Heureux temps où un rédacteur en chef invitait un journaliste et un pigiste à partager des réjouissances...
Bon tout cela ne t'intéresse peut-être pas beaucoup, mais à qui voulais-tu que je le dise? Et puis, il me semble que je ne t'avais jamais raconté ça...
Je t'embrasse,

ton cousin


1 commentaire: