dimanche 13 avril 2014

La mort de Pierre Autin-Grenier

Pierre Autin-Grenier était un écrivain discret dont les livres n'ont jamais trouvé place dans les listes de meilleures ventes. Sa mort, hier, ne fera donc pas les gros titres des journaux - et il a fallu que Lucie Cauwe lui consacre une note de blog pour que je l'apprenne. L'article du Monde.fr m'avait échappé hier après-midi...
C'était pourtant un poète du quotidien et du détail qui narrait avec humour et ironie les petits faits de l'existence, bien du genre à accompagner ses lecteurs en leur offrant un supplément de regard.
Comme dans Friterie-bar Brunetti, par exemple. La phrase s'étire et s'enroule entre les verres de vin, près du poêle à charbon. Il y a moins d'observations précises que de sensations subtiles à ramasser chez les habitués du Brunetti, maison fondée en 1906. Cent ans d'histoires circulent dans les têtes, oubliées mais présentes comme des fantômes. L'écrivain les tisse paresseusement, sans savoir ce qu'il en fera. Elles deviennent ce livre qui nous emporte vers de multiples destins.
J'adore le début de Toute une vie bien ratée:
Je passe mon temps à prendre des notes sur le petit carnet quadrillé gainé de cuir noir qui partout m’accompagne. Ça commence à faire une paye que je trimballe ce carnet avec moi, je ne saurais même plus compter les années ; peut-être ne vaudrait-il mieux pas d’ailleurs. Toute la sainte journée je note des trucs bizarres là-dessus ou alors des pensées qui viennent zigzaguer à travers ma cervelle cabossée et que, dans l’instant, je trouve prodigieuses. Si je croise dans la rue un éléphant triste je le note, si j’aperçois un touriste japonais trafiquant dans une pharmacie de Knokke-le-Zoute je le note aussi. Réflexions, maximes, sentences et aphorismes c’est par kyrielles que je les aligne ; d’une page l’autre j’en fais d’étourdissants chapelets de saucisses fumées. Rien ne m’échappe en somme, mais de toutes ces notes je ne fais rien non plus. Elles restent figées dans mon carnet comme des litrons renversés sur un hérisson à bouteilles. Inutiles.

Et les Editions des Carnets du dessert de lune venaient de rééditer Chroniques des faits, un livre bien dans sa manière:
Sous son œil effrayé quelque chose subitement se referme dont personne n’a la clef. Il dit apercevoir à travers les persiennes pourries, dehors, comme un combat de chiens en plein soleil. L’horrible grincement des roues bringuebalantes d’une vieille charrette. Une flèche de foudre en plein ciel d’été… De ceux-là mêmes qui croient s’en approcher, nul cependant ne peut saisir semblable délire.

5 commentaires:

  1. Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.

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  2. Un très grand, très discret, parti beaucoup trop tôt.

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  3. Pierre est mort au matin du 12 avril. L'éternité fait silence. Tout cette fois est inutile.
    Il était, il est grand.
    Merci Pierre. A la revoyure. On ne peut pas se résoudre à ton absence.

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  4. Pierre est mort au matin du12 avril. L'éternité fait sikence. Tout alors est inutile.
    Merci Pierre. Tu étais, tu restes grand pour la beaté, pour l'amitié de tes mots.
    On aura bien du mal à se resoudre à ton absence.

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