lundi 7 septembre 2015

Un premier roman en forme de phénomène

C’est le petit nouveau dont on parlait il y a un an et demi : Jean-Paul Didierlaurent, auteur d’un premier roman porté aux nues par son éditeur, les journalistes, les libraires qui ont fait avancer la mise en vente. Le liseur du 6h27 a été acheté dans 25 pays pour des traductions. Il « suscite la gourmandise des producteurs de cinéma », rapportait une dépêche de l’AFP – une dépêche de l’AFP pour un premier roman, il faut que ce soit un phénomène ! D’ailleurs, les collections de poche se sont arraché le titre avant même sa sortie, et c’est Folio qui l’a emporté. Le voici. « J’espère que nous tenons notre best-seller », écrivait l’attachée de presse dans un communiqué qui énumère toutes ces bonnes nouvelles en y ajoutant, comme référence, le cinéma de Jean-Pierre Jeunet.
L’auteur, 52 ans, n’a pas débarqué en total inconnu dans la maison d’édition, Au Diable Vauvert : il a été deux fois, en 2010 et 2012, lauréat du Prix Hemingway, organisé par l’Association des Avocats du Diable Vauvert. Ses origines vosgiennes ne semblaient cependant pas le destiner à célébrer l’univers de la tauromachie, thème de ce prix. Toujours est-il que le conte de fées semble avoir démarré – à grand renfort de promotion.
Sur quoi repose ce concert d’éloges ? Sur un livre plaisant où s’installe un bel équilibre entre gravité et légèreté. Grâce à un brin de fantaisie qui sert de lien à l’ensemble et donne le ton.
Guylain Vignolles, presque inévitablement, a été surnommé Vilain Guignol dès l’enfance. A 36 ans, il a appris à se contenter de peu non pour être heureux, il n’en demande pas tant, mais pour supporter de vivre. Un poisson rouge égaie, un peu, son intérieur. Son travail est une tuerie, au sens premier du mot autant que psychologiquement : il conduit une énorme machine qu’il appelle la « Chose », une Zerstor 500 dont la fonction est de pilonner des livres. Et accessoirement, par accident, d’emporter parfois quelques morceaux de chair aux hommes qui ont été imprudents en ses flancs. Guylain est un résistant discret : quand il le peut, il sauve des pages qui ont échappé au broyage.
L’acte est interdit mais il le prolonge, le lendemain matin, dans le RER qui le conduit au boulot : il y lit à haute voix, sans commentaire, les fragments arrachés au désastre. Il règne autour de lui une attention presque religieuse. On l’écoute, on l’attend, on l’espère. Encore davantage quand, ayant ramassé une clé USB sur le sol du wagon, il y a trouvé des fragments de texte dont la lecture remplace celle des livres détruits. Mais, à présent, c’est lui qui attend et espère : il voudrait que la femme dont il lit les travaux d’écriture soit un jour présente, pour la rencontrer.
C’est une comédie sentimentale charmante, conduite avec finesse. Le lecteur l’accompagne d’autant plus volontiers qu’il en sait davantage que Guylain sur la mystérieuse auteure de ces lignes. Il n’y a pas là, certes, de quoi révolutionner la littérature. Et la rumeur qui a précédé la sortie du livre était excessive. Mais ce qui est excessif n’est pas toujours insignifiant.

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