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jeudi 5 décembre 2019

Bernard Pivot à la retraite

Bernard Pivot tweete aussi. Plus finement que Donald Trump, cela va sans dire (même s’il a dû rattraper récemment ce qui avait été considéré comme un dérapage, passons sur l’anecdote). Le voici donc démissionnaire de l’académie Goncourt, dommage pour elle, tant mieux pour lui, à l’en croire.
© Librairie Mollat

Pour célébrer une vie tout entière consacrée au livre, j’exhume deux vieux articles. Le premier célébrait l’homme de télévision, il y a un quart de siècle. Le second était un entretien téléphonique à l’occasion de la Foire du livre de Bruxelles dont il allait être, quelques jours plus tard, l’invité d’honneur lors de la soirée inaugurale. Retour vers le futur, en 1993.

Vingt ans de gourmandises culturelles

On parle encore de « l’effet Apostrophes ». Malgré leur compétence et leur volonté, les animateurs d’autres émissions littéraires n’ont pas pu remplacer la grand-messe du vendredi soir au cours de laquelle un pourcentage curieusement élevé (pour ce type d’émission) de téléspectateurs communiait autour de la valeur littéraire, vraie ou fausse, parvenant presque à faire croire au monde entier que la France était toujours une nation où le Livre ne s’écrivait pas sans majuscule.
Ce n’était pourtant pas un miracle. Ou alors, ce miracle a un nom, qu’il porte toujours, et à nouveau le vendredi soir, sur France 2. Bernard Pivot est l’intermédiaire par lequel bien des lecteurs ont découvert des auteurs, et sa passion de découvreur, élargie désormais à tout ce qui lui paraît culturel, n’a pas fini de faire naître des vagues de bonheur.
D’« Ouvrez les guillemets » à « Bouillon de culture », en passant donc par l’inévitable « Apostrophes » – ce qui, on le notera, constitue un bien petit nombre d’émissions pour vingt ans de carrière –, Bernard Pivot a promené, et continue de promener son regard pétillant, son étonnement calculé, sa mine réjouie sur un univers qui se marie généralement assez mal avec la télévision.
Secret n° 1
S’il est parvenu à faire pénétrer le livre dans bien des foyers, c’est d’une part, en restant simple et d’autre part, en privilégiant les rencontres avec des personnages.
La simplicité est indispensable pour faire croire au téléspectateur qu’on n’en sait pas plus que lui et qu’on a, comme lui, encore tout à apprendre – c’est vrai, d’ailleurs, mais bien des animateurs préfèrent laisser entendre, au contraire, qu’ils ont tout compris. Pas Bernard Pivot. Bien sûr qu’il a lu les livres, vu les films, les spectacles, bien sûr qu’il s’est documenté et qu’il est mieux armé que le grand public pour interroger ses invités. Mais il a l’art de ne pas le faire sentir et de rester au niveau du curieux moyen, qui a envie de savoir. Avec lui, on n’a pas peur d’apprendre. D’autant que, comme tout le monde, il aime le vin et le foot. Alors, Bernard, entre un coup de rouge et un tir au but de Papin, pourquoi pas un bouquin, finalement ? Cela ne doit pas faire plus mal à la tête qu’un pinard mal dégrossi…
Secret n° 2
L’art de l’interview, la manière de mettre en valeur les invités, tel est le deuxième secret de Bernard Pivot. Si Modiano est devenu une vedette grâce à « Apostrophes », et malgré la difficulté qu’il a à terminer ses phrases, c’est que cet être aussi peu télégénique que possible est « passé », comme on dit, tout entier à travers l’écran, avec sa personnalité dans tout ce qu’elle peut avoir de complexe et d’intéressant. Lui, et beaucoup d’autres, peuvent être reconnaissants à Bernard Pivot de les avoir laissés s’exprimer, en prenant le temps qu’il fallait pour le faire, et en recevant, quand c’était nécessaire, l’aide d’une perche bien tendue, ni trop complaisante ni trop visible. Du coup, les personnages sont devenus les moyens du succès de Bernard Pivot. Il en avait tant et tant à sa disposition, il ne s’est pas privé de puiser dans une telle réserve ! Bien sûr, cette pratique engendre quelques inévitables malentendus. Le téléspectateur oublie qu’il découvre une personne et croit souvent que son œuvre sera évidemment du même ordre, alors que les différences sont généralement sensibles. Combien d’exemplaires des livres de Claude Hagège, savant linguiste qui fit un jour un tabac face à Raymond Devos, ont-ils été lus ? Bien moins, en tout cas, que ceux qui avaient été achetés par un public croyant trouver un mode d’emploi simple à une matière complexe…
Que Bernard Pivot soit devenu une personnalité incontournable du monde culturel, c’est évident. Il est beaucoup plus connu que la plupart des créateurs qu’il invite sur son plateau. Il le regrette d’ailleurs. Mais peut-on lui reprocher d’avoir du talent ? Et faudrait-il en venir à regretter qu’un homme de goût et talentueux ait du succès ? Non, bien sûr. Alors, bon anniversaire, Monsieur Pivot, et longue vie télévisuelle !

Sur le livre et la Foire du livre (de Bruxelles)

Une Foire du livre, est-ce important ?
Toutes les manifestations, qu’elles relèvent de la télévision, des prix littéraires, de la foire ou de la fête, sont importantes. Le livre est fragile, et ce qui permet de le mettre à la une de l’actualité doit être encouragé.
Depuis vingt ans, l’attitude des gens par rapport au livre a-t-elle changé ?
Ce qui n’a pas changé, c’est que le livre comme cadeau fait toujours autant plaisir. En revanche, le livre est moins présent dans l’actualité. On parle plus de la télévision, qui parle d’elle-même d’ailleurs, on parle peut-être plus de cinéma. Les rubriques consacrées au livre ont eu tendance à rétrécir dans la presse ou à la télévision.
N’y a-t-il pas, pour le grand public, un problème d’argent ?
Oui, c’est sûr. J’entends des jeunes, notamment, dire qu’ils liraient davantage si le livre était moins cher. C’est pourquoi d’ailleurs le livre de poche marche très bien au détriment de la nouveauté. En même temps, il ne faut pas être dupe de ce discours. Souvent, le prix du livre est un alibi. On ne veut pas faire l’effort. Mais on ne se privera pas d’un bon repas, même s’il est très cher.
À propos du prix du livre, précisément, vous receviez, vendredi soir, Jacques Toubon à « Bouillon de culture » et il n’a pas été question de la loi Lang qui oblige depuis 1981 à vendre les livres au prix fixé par l’éditeur. Cette loi reste-t-elle donc considérée comme une bonne chose ?
Oui, mais ce serait facile s’il n’y avait que des bons arguments d’un côté et que des mauvais de l’autre. On peut dire que, grâce au prix unique, les libraires ont pu subsister en France. Certains ont disparu mais, s’il n’y avait pas eu la loi Lang, le nombre de librairies fermées serait beaucoup plus grand aujourd’hui. En même temps, les partisans de la liberté du prix font remarquer que le livre serait moins cher s’il était possible de faire un rabais de 20 %. Et on en vendrait peut-être davantage. Contre cela, argument suprême : ce qui se vendrait moins cher, ce serait évidemment les best-sellers et les ouvrages qui ont un public d’avance, au détriment des livres confidentiels. Tous les arguments se retournent et renvoient les uns aux autres.
Estimez-vous que votre travail est un privilège ?
Le mot est exact, oui : c’est un vrai privilège que de pouvoir visiter une exposition l’après-midi, aller voir un film en projection privée à 18 heures, aller au théâtre à 20 h 30, regarder une émission de télévision, et terminer la journée en lisant un livre.
Avez-vous l’impression d’avoir réussi à faire partager ce privilège ?
On peut me faire certains reproches mais, en général, les gens s’accordent pour dire que j’ai pu faire partager le plaisir de la découverte des livres, aujourd’hui du théâtre et du cinéma, et que, si j’ai une qualité, c’est l’enthousiasme communicatif.
Si vous deviez recommencer, vous referiez la même chose ?
Oui, je pense que je recommencerais par une émission sur les livres. Mais trouverais-je aujourd’hui une chaîne qui accueillerait « Apostrophes » ?
Vous avez lancé, il y a quelques années déjà, et sur une idée belge, des championnats d’orthographe. Vous les abandonnez, vous organisez les « Dicos d’or », mais les Belges ne peuvent plus y participer !
Non seulement les Belges, mais les Suisses, les Canadiens… C’était l’arrêt total ou le repli sur l’Hexagone, pour des raisons purement économiques.
Pensez-vous nécessaire de continuer à défendre la langue française ?
Je n’emploierais pas le mot « défendre », je dirais qu’il faut continuer à illustrer la langue française, par des livres, par des bons films, des pièces de théâtre, par la création. Une langue se porte bien lorsqu’elle véhicule des œuvres d’art.

dimanche 11 décembre 2016

Eléments de langage : repérons les repaires

Aujourd'hui, c'est dimanche. Et que fait-on, le dimanche? On va à la... On lit le Journal du Dimanche, faute d'autres quotidiens consistants à se mettre sous les yeux. Personnellement, tout ce que je traverse jusqu'à la chronique de Bernard Pivot ne me sert que de préparation à ladite chronique. Donc, je lis plus ou moins attentivement, ou je parcours, selon les cas, mais avec l’œil supposé acéré d'un spécialiste ès dictées, c'est-à-dire orthographe.
Las! si le JDD est relu, je le suppose du moins, par des correcteurs, le cher Bernard ne fait probablement pas partie de l'équipe - il est vrai qu'il a bien d'autres choses à lire. En effet, je trouve ce matin, dans un entretien avec Marion Maréchal-Le Pen, tout occupée à marquer sa position personnelle dans un parti où la ligne ne semble pas aussi unique que le voudraient certains, parmi lesquels il faut ranger sa tante - c'est-à-dire qu'elle pose un repère pour la suite -, je trouve, donc, à propos de François Fillon, cette phrase:
Fillon refuse de me serrer la main, mais serre celle de Salih Farhoud, l'ex-recteur de la mosquée de Stains, dont le ministère de l'Intérieur expliquait qu'il s'agissait d'un "repère de djihadistes".
Est-à dire que la politicienne considère ce lieu comme un phare pour de potentiels terroristes? Un repère, dans ce cas? Non, forcément non. Dans le contexte, il est évident qu'elle parle d'un lieu où les djihadistes sont chez eux, dans leur repaire, ce qui n'est pas tout à fait la même chose.
La confusion se fait d'autant plus aisément, et celle-ci est vraisemblablement à mettre au débit des journalistes qui ont transcrit l'entretien (mais lequel? ils sont deux), qu'il n'y a aucune différence à l'oral. Tandis que l'écrit, dans cette langue française pleine de pièges (demandez à Bernard Pivot les souvenirs de ses dictées), marque plus qu'une nuance.
Le repaire, selon le Grand Robert (il ne s'agit pas de la dernière édition, mais la valeur de référence reste), est, depuis le milieu du XVIIe siècle, compris dans le sens où voulait l'utiliser Marion Maréchal-Le Pen: "Endroit qui sert de refuge, de lieu de réunion à des individus dangereux."
Tandis que, selon le même ouvrage, le repère est "une marque servant à retrouver un emplacement, un endroit."
Est-ce clair? Disons que ce le serait tout à fait si repère ne s'était pas écrit repaire du côté des années 1578 (date fournie, cette fois, par le Dictionnaire historique de la langue française) pour des architectes. Non, rien n'est simple...

P.-S. Et même si Bernard Pivot jetait un regard sur la copie avant de lancer l'impression du JDD, il n'aurait rien pu faire cette semaine: il en est absent - la séquence culture se déroule d'ailleurs sans aucune présence de livres.

P.-P.-S. Si, Bernard Pivot est là, mais j'ai été un un cheveu de le manquer, ne goûtant que du bout des lèvres (et avec un cheveu sur la langue?) les suppléments consacrés aux cadeaux des sacro-saintes fêtes de fin d'année.

mercredi 8 janvier 2014

Bernard Pivot à la présidence de l'académie Goncourt

Chère cousine,

J'imagine que tu n'es pas une fan absolue de la correspondance d'Edmonde Charles-Roux. Sa lettre publiée hier sur le site de l'académie Goncourt mérite cependant ton attention.
Pour des raisons de santé, François Nourissier, le 5 mars 2002, m’a désignée pour prendre sa suite comme Présidente de l’académie Goncourt. Annoncer la nouvelle aux membres de l’académie n’avait pris que quelques secondes.

A mon tour de vous informer, qu’après m’être entretenue avec lui, je désigne Bernard Pivot pour prendre ma suite à la Présidence de l’académie Goncourt.
Peut-on rêver mieux? Notre nouveau Président est l’homme le plus informé, ne l’oublions pas, sur ce qui se passe en ce moment dans le domaine du livre en France et en d’autres pays encore.
Je vous propose de fêter aujourd’hui le oui sans réserves de Bernard Pivot.
Tous mes vœux Monsieur le Président et à vous tous bonne année.
Edmonde Charles-Roux
Est-ce un événement? Oui et non.
Non, d'abord, parce que l'influence de Bernard Pivot sur l'académie Goncourt y était déjà grande depuis son arrivée parmi les dix le 5 octobre 2004, il y a un peu plus de neuf ans. Et le rôle de président ne devient essentiel que dans le cas où un lauréat n'émerge pas suite à plusieurs tours de vote où l'égalité est à chaque fois enregistrée. Mais l'on sait, d'expérience, que la plupart des présidents répugnent à utiliser ce privilège. Edmonde Charles-Roux, dont la double voix aurait  pu être décisive l'an dernier, ne l'a, comme ses prédécesseurs, pas fait et a laissé le débat se poursuivre jusqu'à ce qu'un des jurés emporte la conviction d'un autre (si j'ai bien suivi).
Et puis, quand même, oui, c'est un événement, comme son entrée à l'académie Goncourt en avait été un puisqu'il était le premier non écrivain à être choisi pour siéger chez Drouant (à la notable exception des premières années, historiques, où l'épouse d'un écrivain avait été désignée pour succéder à son mari décédé).
Un homme informé, certes, comme le dit Edmonde Charles-Roux. Et son rôle de prescripteur de lectures du temps où il trônait à la télévision a d'autant moins été oublié qu'il n'a pas été remplacé. Je serais curieux de lire son roman de jeunesse, L'amour en vogue, publié en 1959. Peut-être avait-il des qualités. Mais, d'une part, il s'est longtemps interdit d'en publier d'autres et, d'autre part, il a largement prouvé qu'il n'était pas un écrivain - ou alors, un écrivain médiocre, comme tu veux.
Son "roman" Oui, mais quelle est la question?, publié en 2012, l'a montré empêtré dans un récit redondant et je me suis souvent demandé, en le lisant, où il allait me conduire. Pour conclure qu'il ne conduisait, en réalité, nulle part, se satisfaisant de pirouettes habiles au lieu de construire et d'écrire, au sens plus aigu de ces mots - pas au sens d'un simple divertissement. Quant à son dernier livre en date, Les tweets sont des chats, reconnais avec moi qu'il s'agit à peine d'un livre et que lancer de temps en temps, même plusieurs fois par jour, de plaisantes réflexions de 140 signes maximum ne suffit pas à fournir la matière d'un volume dans lequel on pourrait se plonger au lieu de le feuilleter distraitement. Car il ne mérite pas mieux, ce non-livre...
S'il fallait le démontrer, j'espère que tu es convaincue: Bernard Pivot n'est pas un écrivain, non et non. Ce qui ne l'empêchera probablement pas d'être un excellent président de l'académie Goncourt, puisque ne pas lui reconnaître certaines qualités n'enlève rien à ses autres mérites, auxquels je rendais hommage l'an dernier dans une note de ce blog.
J'espère ne pas t'avoir fait trop de peine, car je sais que tu as de l'admiration pour cet homme. Moi aussi, ne te trompe pas.
Je t'embrasse,

ton cousin.

© Georges Seguin

samedi 2 novembre 2013

Et toi, tu regardes la télé ?

Chère cousine,

Regrettes-tu, toi aussi, le temps où Bernard Pivot faisait la pluie et le beau temps dans les librairies le samedi matin? Il y avait d'autres émissions sur les livres, mais on ne parlait que de lui. Tu me diras: maintenant, on ne parle plus d'aucun présentateur d'émission sur les livres. Parce qu'il n'y en a plus? Disons qu'il n'en existe plus qui soit l'institution de référence que nous avons connue. Ce n'est pas le désert pour autant, me disais-je en survolant les programmes de la semaine. L’œil tiré du côté d'Arte qui entame, mercredi (mais à 22h30 hélas!) la diffusion d'une "collection" de documentaires. Elle s'ouvre avec l’Irlande de Robert McLiam Wilson, Edna O’Brien, Robby Doyle et Colm Tóibín. L'Italie, l'Angleterre, l'Espagne et la Hongrie seront les étapes des prochains numéros. Le projet, ambitieux, ne devrait pas s'arrêter là et a la prétention (justifié, semble-t-il, de faire découvrir des pays, des cultures, à travers le regard des écrivains).
Bien, mais il ne s'agit pas d'une émission régulière, au contraire de La grande librairie avec laquelle François Busnel, qui m'horripile par l'intensité de ses fausses convictions, nous convoque devant le poste chaque jeudi soir, direction France 5. La semaine prochaine, le jeudi sera daté 7 novembre, jour du centième anniversaire de la naissance d'Albert Camus. On en parlera, c'est prévisible et en même temps cela fait toujours du bien.
Un autre rendez-vous régulier? Euh... On n'est pas couché, peut-être, ou Le grand journal?
L'ère du divertissement est bien installée dans les cerveaux et, ce soir, qui pourra dire si Nicolas Bedos est présent chez Laurent Ruquier comme chroniqueur ou pour faire la "promo" de La tête ailleurs, paru cette semaine? Le mélange des genres est tel qu'un écrivain se doit de faire le clown pour essayer de rendre son livre présent. Attention, je n'ai pas dit que Nicolas Bedos était un écrivain, non plus, faut pas exagérer...
Chez Antoine de Caunes, il y avait bien un invité "littéraire" dans la dernière émission que je trouve sur le site (non, je ne regarde pas): Frédéric Mitterrand était venu parler de La récréation. Ah! bon?
Quoi d'autre? La pastille quotidienne d'Olivier Barrot intitulée, selon les cas, Un livre, un jour ou Un livre, toujours? Quand je tombe là-dessus, je m'endors après 30 secondes.
De temps à autre, je croise un débat entre gens informés sur Public Sénat, comme l'autre jour autour de Simenon. Je vois dans les programmes quelques émissions qui devraient attirer l'attention comme, lundi prochain sur France 3, Les mots comme des pierres (à 23h45!), un portrait d'Annie Ernaux.
Et probablement, si je prenais la peine d'éplucher mieux les grilles des différentes chaînes offertes à mon (petit) appétit de téléspectateur, trouverais-je d'autres occasions de m'arrêter quelques instants sur mon canapé. Sans nécessairement m'enfuir comme je le fais devant les apparitions d'un célèbre libraire de référence au discours critique pour le moins léger...
Alors, l'offre est-elle abondante? pauvre? suffisante? indigente? Ma foi, je n'en sais rien. Mais je sais une chose: neuf fois sur dix, au lieu d'entendre un animateur, voire un journaliste, mettre un écrivain à la question (ou lui demander de marcher sur les mains), je préfère éteindre la télé et ouvrir un livre.
Et toi, chère cousine que j'embrasse?
Ton cousin.


mercredi 18 septembre 2013

Rassurez-vous, Bernard Pivot est vivant

En revanche, son homologue allemand - même si l'assimilation correspond à une simplification - vient de mourir. Marcel Reich-Ranicki avait 93 ans (ce qui laisse encore de beaux jours à Bernard Pivot) et avait occupé, dans le monde du livre germanophone, une place unique.
On se souvient (je dis "on", c'est peut-être généraliser un peu vite, mais en tout cas je me souviens) du scandale provoqué par cette image où il déchirait un livre de Günter Grass. C'était en 1995 et il y avait sept ans qu'il animait à la télévision une émission littéraire de référence. Il ne venait pas de nulle part, puisqu'il était critique dans la presse écrite depuis 1960.
Preuve (?) qu'il vaut quand même mieux lire beaucoup si on se mêle de parler de livres...

lundi 29 avril 2013

Nouveautés de la semaine : Pivot, Miller, Sutter et Sebhan

Bernard Pivot tweete, et cela devient un livre. Derek B. Miller se met Dans la peau de Sheldon Horowitz. Martin Suter lutte contre le temps. Et Gilles Sebhan part à Londres. Ce sont quelques-uns des livres qui sortiront cette semaine - et je passe sur les nouveaux romans de Maxime Chattam et Paulo Coelho, rangés dans la catégorie des oublis volontaires...
Présentations des éditeurs.


«Quand je me suis intéressé aux réseaux sociaux, j’ai tout de suite eu envie d’aller sur Twitter… À chacun, il est possible de considérer Twitter comme une sorte de journal personnel intermittent, lié ou non à l’actualité. D’y écrire ce que bon lui semble. D’y pratiquer l’exercice de la cogitation ou l’art de l’observation. D’y convoquer des souvenirs. D’y utiliser, bien sûr, l’humour, le calembour, la farce. Ou de s’y adonner à la philosophie. Bref, – c’est le cas de le dire – de twitter sérieux ou amusant, sans toutefois se prendre au sérieux, ni prendre ses abonnés pour des engourdis du cervelet. C’est ce que j’ai essayé de faire pendant un peu plus d’un an.»
Bernard Pivot
Depuis plus d’un an, Bernard Pivot démontre brillamment que Twitter n’a rien à voir avec l’âge. Fort de près de 100 000 abonnés, il est devenu au gré de ses humeurs, de ses lectures, de ses voyages, de ses discussions, un orfèvre du message en 140 signes.
Ce petit livre réunit ses tweets préférés, érudits, polémiques, mélancoliques ou malicieux.


Le livre de l'année selon The Times, traduit dans le monde entier, un premier roman bourré d'humour et d'esprit, d'émotion et de suspense, porté par un héros irrésistible: vieux juif new-yorkais exilé à Oslo, en fuite à travers la campagne norvégienne avec son petit voisin serbe.
À 82 ans, Sheldon Horowitz, veuf, horloger à la retraite et ancien marine, accepte en ronchonnant d'aller vivre chez sa petite-fille dans une ville qui a tout pour lui déplaire: Oslo. Des contrées de neige et de glace peuplées de grands blonds et au maximum d'un millier de juifs, dont pas un seul ex-sniper, hanté par la mort de son fils, comme Sheldon. 
Jamais il n'aurait imaginé que la Norvège allait lui offrir son ultime mission. Pourtant, quand sa voisine serbe est assassinée par un gang de Kosovars, Sheldon se jure de protéger son garçon de 7 ans coûte que coûte. Le début d'une cavale infernale pour sauver l'enfant... et tenter de racheter ses erreurs passées.

Martin Suter, Le temps, le temps

Peter Taler peine à continuer à vivre: depuis que son épouse Laura a été tuée au bas de leur immeuble, le chagrin et le désir de vengeance l'assaillent. Il est toutefois décidé à mener sa propre enquête. Les indices sont faibles. Seule demeure une infime impression du jour tragique: quelque chose, dans son panorama quotidien, n'est plus pareil... 
Son voisin Knupp ne cesse de l'observer par la fenêtre et semble s'adonner à de mystérieuses activités. Les deux hommes font peu à peu connaissance, jusqu'au jour où Knupp parvient à enrôler Taler dans son projet fou: celui de mettre le temps en échec et, avec lui, la disparition de sa femme. 
Au sommet de son art, Martin Suter échafaude un roman presque hitchcockien qui mêle intrigue policière et éléments fantastiques, humour et mélancolie. Dans cet univers où il suffit de revenir au décor antérieur pour abolir les effets du temps, où toute réalité devient trompe-l'œil, le lecteur est tenu en haleine jusqu'au retournement final insoupçonné.

Gilles Sebhan, London WC2

Fin des années 70. Un jeune français part à Londres rendre visite à sa sœur, grand amour de sa jeunesse, modèle et guide qui l’entraîne à la découverte d’un autre monde, d’une autre langue.
Sans le savoir, il se retrouve au cœur de l’avant-garde, vivant dans un squatt avec elle et son petit ami, Neville Brody, un des artistes phares de la nouvelle scène londonienne, rencontrant Iggy Pop dans les bureaux de The Face ou Sid Vicious dans la boutique de Malcolm Mac Laren et de Vivienne Westwood…
Récit de toutes les premières fois, London WC2 évoque en instantanés l’éveil à la sexualité de son héros, sa découverte de la liberté et son premier amour. Et son adolescence se révèle le parfait écho de l’esprit du début des années 80, la période qui a le mieux incarné l’âge de toutes les outrances rebelles.



mardi 12 mars 2013

Bernard Pivot, les mots de sa vie entre guillemets


Comme beaucoup d’autres lecteurs, j’ai abondamment fréquenté Bernard Pivot. Le plus souvent par l’intermédiaire du petit écran. Le rendez-vous était une fête, dès Ouvrez les guillemets en 1973 (un lundi), davantage encore avec Apostrophes le vendredi, pendant plus de quinze ans. Moins ensuite.
Ouvrez les guillemets : ma première rencontre physique avec le maître ès lectures qu’il était pour moi s’est faite… un vendredi soir, le 16 septembre 1988. Chez Drouant, où il ignorait qu’il aurait un jour son couvert, il avait organisé une émission avec quatre solides candidats aux prix littéraires d’automne. Et Hervé Bazin, alors président de l’académie Goncourt. Celui-ci côtoyait Bernard-Henri Lévy, qui venait de publier un livre très belge, Les derniers jours de Charles Baudelaire (il recevra le prix Interallié), Patrick Besson (La statue du Commandeur, qui ne recevra rien), Erik Orsenna (L’exposition coloniale, prix Goncourt) et Philippe Labro (Un été dans l’Ouest, prix Gutenberg – qu’est-ce que c’est ?). Je me trouvais dans une salle annexe pendant l’émission que nous suivions sur des écrans de contrôle, mais j’avais eu l’honneur de serrer la main de Bernard Pivot avant le début du direct.
Fermez les guillemets : en mars 1997, lors de soirée d’ouverture du Salon du Livre de Paris, traversant le stand de RTL, je retombe sur Bernard Pivot, en conversation avec un de ses invités de l’autre jour, Philippe Labro. Bonjour-bonjour, serrage de mains, comment allez-vous ?
Entre ces guillemets ouverts et fermés, symbolisés non par des doigts autour de la tête mais par de brèves et viriles poignées de mains, il y avait eu une vraie rencontre, en deux temps.
En avril 1993, Bernard Pivot était l’invité d’honneur de la Foire du Livre de Bruxelles. J’avais fait des pieds et des mains pour me mettre en contact avec son assistante, Anne-Marie Bourgnon, et la convaincre de me donner le numéro de téléphone du journaliste. Je me reconnais dans le rapide portrait que fait Bernard Pivot, à l’article « Impatience » de son ouvrage Les mots de ma vie : « Un journaliste est, par nature, par intérêt professionnel, un impatient chronique, angoissé, presque maladif. Premier à détenir une information, premier sur un “scoop”, il veut aussi en être le premier divulgateur, que ce soit par écrit, par la parole ou par l’image. Il vit dans la hantise d’être “grillé” par un confrère. C’est un chasseur d’exclusivités, de priorités, d’antériorités, de “pole positions” ». C’était pour moi une sorte d’évidence : il n’était pas question de laisser l’exclusivité de pareil entretien à un confrère, considéré dans ces instants-là comme un concurrent.
Anne-Marie Bourgnon ne m’a donné le numéro de téléphone de Bernard Pivot qu’à une condition : il fallait que je mange le papier sur lequel je l’avais noté quand je l’aurais utilisé, un samedi matin à telle heure précise qu’elle m’avait donné. J’ai promis. Et je n’ai pas tenu la promesse, bien entendu.
Quelques jours plus tard, nous en avons bien ri, Bernard Pivot et moi, attablés à une bonne table bruxelloise, en compagnie de confrères un peu jaloux d’avoir été, en effet, grillés.

mardi 4 janvier 2011

L'année littéraire (2) - Andreï Makine, l’amour plutôt que l’idéologie

Bernard Pivot inaugure l’année par une chronique (Le Journal du dimanche, 2 janvier) consacrée au nouveau roman d’Andreï Makine, Le livre des brèves amours éternelles (Seuil, parution le 6 janvier). Chez un écrivain qu’il estime «au mieux de son talent classique» (l’expression ne semble pas avoir été suscitée par un enthousiasme débordant), il trouve «la dissidence par l’amour».
À dire vrai, ce «splendide roman» paraît avoir retenu l’attention de Bernard Pivot par ce qu’il éveille chez le lecteur de souvenirs brûlants de ses propres passions – encore que l’introduction de l’article ne soit pas très claire, si bien qu’on se demande, un temps, s’il est question du livre de Makine ou d’autre chose.
De toute manière, «le personnage le plus émouvant est un authentique dissident» et non le narrateur. Voilà qui tendrait, chez un esprit mal tourné, à évoquer, malgré les compliments, un échec: si la fiction est moins puissante que la réalité, à quoi sert-il d’écrire un roman?