mercredi 8 janvier 2014

Bernard Pivot à la présidence de l'académie Goncourt

Chère cousine,

J'imagine que tu n'es pas une fan absolue de la correspondance d'Edmonde Charles-Roux. Sa lettre publiée hier sur le site de l'académie Goncourt mérite cependant ton attention.
Pour des raisons de santé, François Nourissier, le 5 mars 2002, m’a désignée pour prendre sa suite comme Présidente de l’académie Goncourt. Annoncer la nouvelle aux membres de l’académie n’avait pris que quelques secondes.

A mon tour de vous informer, qu’après m’être entretenue avec lui, je désigne Bernard Pivot pour prendre ma suite à la Présidence de l’académie Goncourt.
Peut-on rêver mieux? Notre nouveau Président est l’homme le plus informé, ne l’oublions pas, sur ce qui se passe en ce moment dans le domaine du livre en France et en d’autres pays encore.
Je vous propose de fêter aujourd’hui le oui sans réserves de Bernard Pivot.
Tous mes vœux Monsieur le Président et à vous tous bonne année.
Edmonde Charles-Roux
Est-ce un événement? Oui et non.
Non, d'abord, parce que l'influence de Bernard Pivot sur l'académie Goncourt y était déjà grande depuis son arrivée parmi les dix le 5 octobre 2004, il y a un peu plus de neuf ans. Et le rôle de président ne devient essentiel que dans le cas où un lauréat n'émerge pas suite à plusieurs tours de vote où l'égalité est à chaque fois enregistrée. Mais l'on sait, d'expérience, que la plupart des présidents répugnent à utiliser ce privilège. Edmonde Charles-Roux, dont la double voix aurait  pu être décisive l'an dernier, ne l'a, comme ses prédécesseurs, pas fait et a laissé le débat se poursuivre jusqu'à ce qu'un des jurés emporte la conviction d'un autre (si j'ai bien suivi).
Et puis, quand même, oui, c'est un événement, comme son entrée à l'académie Goncourt en avait été un puisqu'il était le premier non écrivain à être choisi pour siéger chez Drouant (à la notable exception des premières années, historiques, où l'épouse d'un écrivain avait été désignée pour succéder à son mari décédé).
Un homme informé, certes, comme le dit Edmonde Charles-Roux. Et son rôle de prescripteur de lectures du temps où il trônait à la télévision a d'autant moins été oublié qu'il n'a pas été remplacé. Je serais curieux de lire son roman de jeunesse, L'amour en vogue, publié en 1959. Peut-être avait-il des qualités. Mais, d'une part, il s'est longtemps interdit d'en publier d'autres et, d'autre part, il a largement prouvé qu'il n'était pas un écrivain - ou alors, un écrivain médiocre, comme tu veux.
Son "roman" Oui, mais quelle est la question?, publié en 2012, l'a montré empêtré dans un récit redondant et je me suis souvent demandé, en le lisant, où il allait me conduire. Pour conclure qu'il ne conduisait, en réalité, nulle part, se satisfaisant de pirouettes habiles au lieu de construire et d'écrire, au sens plus aigu de ces mots - pas au sens d'un simple divertissement. Quant à son dernier livre en date, Les tweets sont des chats, reconnais avec moi qu'il s'agit à peine d'un livre et que lancer de temps en temps, même plusieurs fois par jour, de plaisantes réflexions de 140 signes maximum ne suffit pas à fournir la matière d'un volume dans lequel on pourrait se plonger au lieu de le feuilleter distraitement. Car il ne mérite pas mieux, ce non-livre...
S'il fallait le démontrer, j'espère que tu es convaincue: Bernard Pivot n'est pas un écrivain, non et non. Ce qui ne l'empêchera probablement pas d'être un excellent président de l'académie Goncourt, puisque ne pas lui reconnaître certaines qualités n'enlève rien à ses autres mérites, auxquels je rendais hommage l'an dernier dans une note de ce blog.
J'espère ne pas t'avoir fait trop de peine, car je sais que tu as de l'admiration pour cet homme. Moi aussi, ne te trompe pas.
Je t'embrasse,

ton cousin.

© Georges Seguin

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