Richard Burton,
explorateur de l’Afrique, en quête des sources du Nil au milieu du 19e
siècle, a beau avoir inscrit son nom dans l’Histoire, il est aussi et peut-être
d’abord un formidable personnage romanesque. Rien n’échappe à sa curiosité. Il
connaît toutes les langues, s’intéresse aux caractéristiques les mieux cachées
des populations qu’il rencontre, il traduit aussi bien les Mille et une nuits que le Kamasoutra…
Pour cerner cet homme hors du commun, il faut posséder un tempérament digne de
lui, ne pas craindre l’excès, être capable d’embrasser large. Ces qualités,
Jean-Claude Derey en a souvent fait preuve (parfois aussi de leurs revers). Il
est comme chez lui dans la folie qui conduit Burton, avec John Speke comme
second, A la recherche des sources du Nil, au cours d’une expédition commencée dans l’enthousiasme et terminée
dans la douleur. Douleur de la maladie, qui touche cruellement les deux hommes.
Douleur de la défiance qui s’installe entre eux, aussi et surtout. Incapable de
poursuivre la route, Burton laisse à contrecœur Speke aller plus loin, ce qui
amènera celui-ci à s’attribuer la découverte des sources du Nil.
Trahison ! Aggravée par le fossé qui s’élargit entre les deux hommes pour
des raisons morales.
Un souffle puissant porte cette épopée digne
d’une légende. Mais une légende écrite par des hommes, avec leurs petitesses.
Richard Burton donne le ton dans les extraits de son journal, où il se montre à
la fois emporté par quelque chose de plus grand que lui et ramené souvent à des
considérations plus terre-à-terre où la jalousie a sa place. Le principal
narrateur, cependant, est Bombay, le guide qui aide la petite troupe à
progresser en territoire hostile. C’est une belle trouvaille, car il joue sur
plusieurs tableaux à la fois, fidèle à Burton, faisant assaut d’amabilités intéressées
envers Speke, et ne rêvant que de posséder une jeune femme inaccessible. La
traversée de l’Afrique de l’Est, sous la plume inspirée de Jean-Claude Derey,
est en tout cas une expérience inoubliable.
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