Antoine Choplin ne prend
pas le temps de faire les présentations. Dès la première phrase, Gouri est là,
arrêté après les derniers faubourgs de Kiev pour vérifier l’attache de la
remorque. Gouri est sur la route, dans un paysage qu’il n’a pas vu depuis deux
ans, il « devrait rejoindre
Chevtchenko avant la nuit. » Il se dirige vers « la zone »
où, comprendra-t-on, il a habité avant qu’elle soit interdite et où il veut
récupérer une porte de son appartement, avec des inscriptions et les marques
faites aux anniversaires de sa fille. C’est toute une expédition, semble-t-il,
rendue difficile à cause d’un accident qui s’est produit dans la région.
Antoine Choplin ne le dira pas non plus, car l’écrivain est économe de mots et
d’informations (c’est d’ailleurs une de ses grandes qualités), mais il n’est
pas difficile de deviner qu’il s’agit de l’explosion de la centrale nucléaire
de Tchernobyl. Des hommes et des femmes sont morts, d’autres sont malades,
toute une région a été contaminée : la zone.
Pour s’y rendre, il faut
rouler de nuit, étudier le parcours, éviter les postes de garde et les
patrouilles. Une expédition, en effet. Dont le camp de base sera, avant
d’entrer en territoire hostile, une maison amie dans laquelle un homme se meurt
doucement, dans la fausse paix qui suit les grandes catastrophes. Là, on mange,
on boit, on se donne des nouvelles des uns et des autres, on fait le point sur
la situation dans les environs. Puis c’est le départ, avec Piotr pour
accompagner Gouri, l’inquiétude devant ce qu’on ne connaît pas puisque personne
ne sait dans quel état se trouve la ville où ils se rendent.
La nuit tombée est
un roman bref qui étreint le cœur. Tout ce qui n’est pas dit est présent dans
les gestes. Et les mots de la conversation ne s’écoulent que pour marquer le
temps de ce voyage hors du temps, pendant lequel gagne le sentiment de la
fragilité humaine.
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