samedi 5 janvier 2013

La dixième enquête de Nicolas Le Floch


Jean-François Parot doit écrire les aventures de Nicholas Le Floch en habit, avec sur la table plume, papier, encre, sable et un pain de cire à cacheter qu’il utilise une fois son manuscrit achevé, avant de l’envoyer à son éditeur.
Il est tellement plongé dans son 18e siècle qu’il en adopte les pratiques en même temps que le langage. Celui-ci semble, en raison de la distance, légèrement guindé. Mais est-il temps de passer à table, chez Noblecourt ou dans quelque auberge de bonne renommée, que l’écrivain, narines dilatées à la pensée des fumets évoqués, s’empourpre, se libère le col, part corps et âme dans la description d’une cuisine riche et sophistiquée. Puis, les plats avalés avec gourmandise par les protagonistes du roman, le même écrivain se laisse aller à un léger assoupissement, avant de reprendre le flux d’événements tourmentés.
Selon toute vraisemblance, ce tableau ne correspond en rien à la manière dont Jean-François Parot écrit. Mais il me plaît de l’imaginer ainsi à la tâche, tant il nous projette à l’époque où Nicolas Le Floch, commissaire au Châtelet, chargé des affaires extraordinaires, met son intelligence et sa finesse au service du roi. En particulier quand l’affaire est complexe. Et elle l’est singulièrement dans L’enquête russe, dixième volume d’une série au succès bien mérité.
Nous sommes en 1782, Benjamin Franklin est à Paris où il représente les forces indépendantistes qui cherchent à se dégager de la puissance britannique contre laquelle la France est en guerre. Paul, fils de Catherine II de Russie, voyage incognito en France, sous le nom de comte du Nord – une discrétion toute relative puisque sa présence est très médiatisée, comme ne l’écrit bien sûr pas Jean-François Parot. Et Nicolas Le Floch est chargé d’une mission qui déborde de ses fonctions policières tout en convenant parfaitement à son esprit d’initiative : approcher le prince, gagner sa confiance et s’assurer de la fidélité qu’il manifestera en faveur de la France quand ce sera nécessaire.
Passons sur le plan assez audacieux, et encore plus risqué, mis en place pour obtenir ce résultat. De toute manière, les événements qui surviennent, et au cours desquels s’accumulent les cadavres, obligent Nicolas à improviser. Ce qu’il fera, bien entendu, brillamment, même si, dans la plus grande partie du roman, il ne parvient pas à relier les différents éléments qui se présentent à lui. On serait perplexe à moins. L’auteur a dû travailler l’intrigue autant que l’écriture. De quoi se régaler, en attendant la suite.

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