vendredi 1 mars 2013

Marcela Iacub, et alors ?


Peut-on lire un livre dont tout le monde parle, autour duquel le bruit est si grand – de la presse au prétoire – qu’il faudrait vivre dans une île déserte (et je vis dans une île, mais pas déserte) pour n’en rien savoir, pour ignorer que Le Nouvel Observateur l’a lancé en couverture la semaine dernière, que Libération a pris la foulée de l’hebdomadaire, que journalistes et commentateurs se sont engouffrés dans la brèche même sans avoir ouvert l’ouvrage en question, peut-on lire ce livre comme si rien ne s’était passé ? J’ai essayé, pour voir. Mais la réponse est définitivement non : chaque page est polluée des appendices qui l’ont précédée sur papier ou sur écran. Et, comme le livre est court, il est possible, voire probable, qu’on a ingurgité davantage de « littérature » à son propos avant de l’ouvrir…
Cela étant, il reste envisageable de traiter Belle et Bête, où Marcela Iacub se fait l’avocate du cochon (au risque de faire la bête quand elle espérait faire la belle) comme un texte « en soi », pour en dire qu’il est un objet peu définissable mais qu’on va tenter de définir malgré tout : une longue plutôt qu’un récit, une mise en scène tirant du côté de l’onirisme plutôt que le déballage crapoteux annoncé à grand renfort de publicité rédactionnelle. Au fond, un livre assez ennuyeux, répétitif, écrit à la va-comme-je-te-pousse, comme s’il y avait manqué au moins une relecture.
Le sentiment du bonheur perce quand la narratrice, qui écrit « je » (mais qu’est-ce que cela prouve ?), devient truie, pleine d’elle-même et du sentiment d’aboutissement correspondant à cette chose étrange : « être une truie dans le rêve d’un porc. »
Pourquoi pas, après tout ? La littérature nous a déjà fait tant de propositions inattendues qu’on est prêt à tout accepter. Encore faudrait-il un intérêt autre que cette seule proposition, et une force interne au texte que, même en cherchant bien, je n’ai trouvée nulle part. D’ailleurs, les premiers articles parus à propos de l’ouvrage, tous dithyrambiques (il fallait bien justifier l’effet d’avant-première), ne semblaient parler de littérature que dans une sorte d’égarement collectif, comme si plus personne ne savait très bien ce que c’est, cette chose pourtant rencontrée dans certains livres, et que le lâcher de noms envisagé comme un nouveau sport suffisait à créer le brouillard à travers lequel tout se mêle et tout se vaut.
Contre Marcela Iacub, Christine Angot est venue en renfort de l’équipe adverse. Autant dire que les uns et les autres méritent le même sort : l’oubli. Où tombera Belle et Bête aussi, une fois qu’il aura été lu par un assez grand nombre de personnes moins polluées que moi par une presse contre laquelle je n’ai rien par principe mais qui, cette fois, a utilisé un livre qui ne méritait pas tant d’attentions pour faire sa propre promotion en créant la polémique. Un peu comme Libération, à la dernière rentrée littéraire, avait utilisé dans le même esprit, et en ouverture du journal, le dernier et indigent roman de Christine Angot. Où il était question d’une tranche de jambon. Du porc, du cochon… et la même pauvreté d’expression dans les deux ouvrages.

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