Je termine la cueillette - provisoirement, sans doute, car on n'en a jamais vraiment fini avec Simenon, à moins d'être un spécialiste qui en écume les milliers de pages depuis des dizaines d'années. Un roman puisé donc dans le volume 12 des romans durs. Et pas n'importe quel roman: l'adaptation réalisée par Pierre Granier-Deferre en 1970, avec Jean Gabin et Simone Signoret, en a fait un des titres les plus connus de l'écrivain. Voici donc...
Le chat
Le petit chat est mort.
Le chat qui avait été empoisonné en mangeant la pâtée que Marguerite lui avait
préparée. Marguerite, la femme d'Emile Bouin, un couple de veufs remariés sur
le tard, la soixantaine entamée.
Mais pourquoi donc se
sont-ils mariés? La question se pose sans cesse à Emile, sans réponse
définitive. Il ne sait plus lequel des deux a fait les premiers pas, ni a
d'abord pensé à une vie en commun. Il la soupçonne de l'avoir choisi parce
qu'il habitait en face, qu'il était disponible, qu'il lui avait déjà rendu
service et, qu'au fond, sans jamais avoir voulu engager quelqu'un, il lui
arrivait d'avoir besoin d'un coup de main dans la maison. Alors, pourquoi pas
un mari? Et pourquoi pas Emile?
Les soupçons d'Emile remontent
donc jusqu'à la source, tout ça parce que Joseph est mort et que Marguerite en
est responsable - il n'y a pas de preuve, la conviction profonde suffit.
Joseph, c'était le chat, auquel Emile était finalement bien plus attaché qu'à
sa nouvelle épouse qui, elle, n'avait jamais sympathisé avec l'animal - et
réciproquement. Donc, elle a fini par le tuer.
Et une farouche rancoeur
est née de ce geste (supposé). Le silence règne dans la maison, les époux ne se
parlent plus. Sauf par l'intermédiaire de petits billets, avec un minimum de
mots pour faire un maximum de dégâts. Par exemple, ceci: Le chat - c'est le
reproche qui revient le plus souvent. Il y avait eu des billets plus longs,
plus inattendus, plus dramatiques, certains qui posaient une véritable énigme.
Marguerite lit les deux mots sans sourciller, jette le papier dans le feu et
répond de façon muette: Le perroquet. Car elle avait un perroquet. Elle l'a
toujours, d'ailleurs, sinon qu'il est empaillé depuis qu'Emile s'est vengé sur
lui de la mort du chat.
La haine est totale,
emplit la maison comme un air fétide, irrespirable pour Emile qui finit par
partir... quelques jours, dix jours exactement, avant de revenir. Comme si
cette haine était devenue le moteur même de la vie, malgré son côté insupportable.
Il ne leur reste plus que cela, et ils en ont besoin, jusqu'à la fin.
Le chat est construit sur un minimum d'éléments. Bien sûr, petit à petit, Simenon remet aussi en place le passé des deux protagonistes, la vie d'un quartier qui change tandis que leurs rapports s'enlisent dans ce mauvais silence. Mais ce n'est jamais qu'un peu de chair sur la ligne de force qui court du début à la fin, le ressassement d'une colère noire. Ce roman est un tour de force qui laisse pantois.
Le chat est construit sur un minimum d'éléments. Bien sûr, petit à petit, Simenon remet aussi en place le passé des deux protagonistes, la vie d'un quartier qui change tandis que leurs rapports s'enlisent dans ce mauvais silence. Mais ce n'est jamais qu'un peu de chair sur la ligne de force qui court du début à la fin, le ressassement d'une colère noire. Ce roman est un tour de force qui laisse pantois.
La trame est mince, la tension palpable : oui, "Le chat" est un tour de force, et depuis le film, ses personnages indissociables de Signoret & Gabin. Ce billet donne envie de le relire.
RépondreSupprimer"Pedigree" dont vous avez parlé est le plus troublant des récits de Simenon : Liège, une famille étouffante...