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jeudi 17 décembre 2015

En rayon : Eudora Welty, «Le brigand bien-aimé»

Les œuvres des écrivains sont comme les amis et connaissances d'une vie. Il y a des personnes qu'on ne cesse jamais de fréquenter et d'autres dont, parfois sans raison, la présence s'efface. Il en va ainsi, en ce qui me concerne, d'Eudora Welty. Je me souviens d'avoir lu, publiées chez Flammarion, les traductions de certains de ses livres. Mais ne me demandez pas lesquels, ni même de quoi cela parlait. J'en garde une impression agréable, qui ne repose cependant sur rien de précis. En fouinant dans les rayons de ma bibliothèque, je retrouve la traduction du Brigand bien-aimé par Sophie Mayoux, dans une réédition, sortie l'an dernier chez Cambourakis. Comment cela a-t-il pu m'échapper? Consolation: en février, cet ouvrage reparaît en poche, dans la collection Points. Une nouvelle occasion d'y revenir. Commençons déjà par la première page.

Le jour touchait à sa fin lorsqu’un bateau accosta à l’Embarcadère de Rodney, sur le Mississippi. Clément Musgrove, planteur innocent, chargé d’un sac d’or et de nombreux cadeaux, en débarqua. Il avait voyagé depuis la Nouvelle-Orléans sans rencontrer aucun péril, et son tabac avait été vendu à bon prix aux hommes du Roi. À Rodney l’attendait un cheval qu’il avait mis à l’écurie en prévision de son retour, et il comptait passer la nuit là, à l’auberge, car bien des dangers le guettaient sur le chemin de sa demeure. Au moment où il posait le pied sur le rivage, un soleil couleur de sang sombrait dans le fleuve et, simultanément, le vent se leva et couvrit le ciel de nuages noirs, jaunes et verts, gros comme des baleines, qui passèrent devant la face de la lune. Le fleuve était couvert d’écume, et les bateaux arrimés à l’embarcadère, ballottés par les vagues, tiraient sur leurs amarres. Du fleuve comme de la falaise se dégageait une même lumière verte de frondaison, et du bord de l’eau on voyait trembler et vaciller les flambeaux rouges qui jalonnaient l’Embarcadère-au-pied-de-la-Colline et grimpaient le long de la falaise, jusqu’à la ville. On entendait comme des bruits d’ailes, des bruits de hâte et de cavalcade, venus des voitures qui roulaient précipitamment dans les rues enténébrées, des gorges beuglantes des bateliers, venus de toute la nature sauvage qui se gonflait et se contractait dans le vent, pressant son halètement farouche tout contre les petites galeries de Rodney, faisant basculer une cloche dans un des clochers, ébranlant le fort, abattant un arbre sur le champ de courses.
Son sac d’or serré dans sa main, Clément se dirigea vers la première auberge qu’il vit au pied de la colline. Elle était tout illuminée et résonnait de chants.
Clément entra, alla droit sur l’aubergiste et demanda : « Avez-vous un lit pour la nuit, où je ne serai pas dérangé jusqu’au matin ?
— Certes, répondit l’aubergiste en brossant sa longue moustache – c’était un Anglais.
— Mais où avez-vous donc laissé votre oreille droite ? » dit Clément en indiquant du doigt le lieu de cette absence. Comme tous les innocents, il était fier dès qu’une chose au monde lui donnait l’occasion de se montrer astucieux.
Et l’aubergiste fut contraint de reconnaître qu’il avait laissé l’oreille fixée à une croix, sur une place de marché dans le Kentucky, pour avoir volé des chevaux.

jeudi 15 octobre 2009

National Book Awards 2009

La France n'est pas le seul pays où les prix littéraires ont une certaine importance. Je vous ai d'ailleurs dit un mot, il y a peu, du Man Booker Prize, très important en Grande-Bretagne. Et voici que les National Book Awards, pour les États-Unis, viennent de donner eux aussi leurs sélections dans les différentes catégories: fiction, non fiction, poésie et jeunesse.
Je ne vais pas vous infliger toutes les listes ici. Pour les curieux, je l'ai intégrée à ma page consacrée aux prix littéraires 2009.

Mais je note quand même avec plaisir qu'un des plus beaux romans de cette rentrée (en France) appartient à la sélection pour la fiction. Je vous en ai parlé déjà, et il est encore temps, si vous ne l'avez pas fait, de vous précipiter sur Et que le vaste monde poursuive sa course folle, de Colum McCann.
Je voudrais aussi attirer votre attention sur un prix exceptionnel, qui sera attribué, comme les autres, le 18 novembre, et qui, à l'occasion de la soixantière édition du prix, récompensera le meilleur du meilleur de la fiction. Parmi tous les ouvrages primés dans cette catégorie par le National Book Award, le jury en a retenu cinq qui sont tous (au moins partiellement) traduits en français.
Il s'agit, pour quatre des six livres retenus, de nouvelles: celles de John Cheever, de William Faulkner, de Flannery O'Connor et d'Eudora Welty. Les deux autres sont des romans: Homme invisible, pour qui chantes-tu?, de Ralph Ellison, et L'arc-en-ciel de la gravité, de Thomas Pynchon.
Que du beau, que du grand...