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lundi 17 septembre 2018

En attendant la première sélection du Femina...

Elle est, en principe, pour aujourd'hui - je ne l'ai pas encore vue. D'autres, pendant ce temps, ont pris les devants. Le Prix Décembre, en particulier, qui sera attribué le 8 novembre et donnera sa prochaine sélection le 25 octobre. Treize romans sont sélectionnés:
  • François Bégaudeau. En guerre (Gallimard, Verticales)
  • Baudouin de Bodinat. En attendant la fin du monde (Fario)
  • Pauline Delabroy-Allard. Ça raconte Sarah (Minuit)
  • Michael Ferrier. François, portrait d'un absent (Gallimard)
  • Elisabeth de Fontenay. Gaspard de la nuit (Stock)
  • Mark Greene. Federica Ber (Grasset)
  • Jean-Yves Jouannais. Moab, épopée en 22 chants (Grasset)
  • Jeanne Labrune. Depuis la terre, regarder les naufrages (Grasset)
  • Benjamin Pitchal. La classe verte (Gallimard)
  • Catherine Poulain. Le coeur blanc (L'Olivier)
  • Francesco Rapazzini. Un été vénitien (Bartillat)
  • Joann Sfar. Modèle vivant (Albin Michel)
  • Antoine Wauters. Pense aux pierres sous tes pas (Verdier)

Le Prix Albert Londres appartient moins à mon terrain de jeu préféré, la fiction, mais vous savez, si vous suivez ce blog, à quel point je place Albert Londres - haut, très haut - et voici donc la sélection livres d'un prix qui concerne aussi la presse écrite et l'audiovisuel. Remise des récompenses le 22 octobre à Istanbul, beau symbole de la défense de la liberté de la presse.
  • Justine Augier. De l’ardeur (Actes Sud)
  • Jean-Baptiste Malet. L’Empire de l’or rouge (Fayard)
  • Pauline Maucort. La Guerre et après (Les Belles lettres)
  • Hélène Sallon. L’État islamique de Mossoul (La Découverte)
  • Pierre Sautreuil. Les Guerres perdues de Youri Beliaev (Grasset)

Un mot aussi du Prix Sade, bien que je lui trouve un intérêt déclinant, avec une deuxième sélection (je n'avais pas vu passer la première, je l'avoue humblement) qui a l'intérêt de mettre en évidence des éditeurs rarement cités au moment des prix littéraires:
  • Léo Barthe. L’Animal de compagnie (La Musardine)
  • Mavado Charon. Dirty (Mania Press)
  • DOA. Lykala (Gallimard)
  • Stéphane du Mesnildot. L’Adolescente japonaise (Le Murmure)
  • Jonathan Littell. Une vieille histoire (Gallimard)
  • Elizabeth Prouvost. Les Saintes de l’abîme (Humus)
  • Sébastien Rutés. La Vespasienne (Albin Michel)
  • Apollonia Saintclair. Ink is my blood (Encre Sympathique)
  • Sylvie Steinberg. Une histoire de la sexualité (PUF)
  • Bei Tong. Camarades de Pékin (Calmann-Lévy)

Enfin, le Prix Louis Guilloux a été attribué à Marc-Alexandre Oho Bambe pour Diên Biên Phù (Sabine Wespieser), un roman dont je ne pense que du bien et qui, paru au début de l'année, fait penser à celui de David Diop, Frères d'âme, retenu pour plusieurs prix littéraires.
Alexandre est mort en Indochine. « Avant de renaître, puis mourir encore. » Il y a eu la guerre, Diên Biên Phù et surtout Maï Lan, la femme au visage lune dont le nom signifie « pierre d’abricot et d’orchidée ». Le 7 mai 1954, à Diên Biên Phù, la guerre est perdue, ce qu’il reste de l’armée française n’attend plus, pour plier bagage, que les accords qui mettront fin à sa présence en Indochine. Tandis que, pour Alexandre, c’est le déchirement de la séparation. Maï Lan s’éloigne. Mais reste inscrite dans sa chair et son esprit autant que les blessures physiques, morales, des combats.
Alexandre est donc rentré en France, a retrouvé Mireille, sa très croyante épouse, à qui la foi en Dieu a permis d’accepter les aveux de celui qui expliquait être devenu fou amoureux, au loin. Le couple a repris la vie commune, puisque « Mireille disait pouvoir supporter une vie à deux, même sans saveur et sans passion ». Vingt ans se sont écoulés d’une existence tiède au cours de laquelle Alexandre n’a cessé d’apprécier les qualités de Mireille. Au cours de laquelle, aussi, il n’a cessé de penser à Maï Lan. Si bien qu’après tout ce temps, il a décidé de retourner là où il était mort et avait vécu si puissamment. Pour rechercher la femme qu’il n’avait jamais oubliée et à laquelle, comme lorsqu’ils partageaient leur passion, il n’a cessé d’écrire des poèmes.
Ces poèmes parsèment le premier roman de Marc Alexandre Oho Bambe, Diên Biên Phù. Ils disent les années pendant lesquelles l’absente est restée si vivante : « Pendant vingt ans / J’ai vécu ainsi / En avançant / A reculons / Vers toi Maï ».
Diên Biên Phù raconte, avec des sauts dans le passé et les moments enflammés d’un amour toujours ranimé par les mots et les souvenirs, le retour d’Alexandre. Il ne l’a pas dit en partant, il ne l’avouera que dans une lettre envoyée à Mireille de Hanoi : il ne reviendra plus en France, leur couple est défait, il a besoin de terminer ce qu’il avait commencé et que l’Histoire a interrompu.
Encore faut-il retrouver Maï Lan, et la tâche s’avère difficile. Malgré l’aide d’une autre femme qui se prend d’affection pour cette belle histoire, malgré M. Cho, le restaurateur bienveillant qui pense avoir connu Maï Lan, sa présence semble se dissoudre dans un espace flou.
La quête d’Alexandre se termine d’une manière que nous ne révélerons pas, par une surprise. Mais on ne peut terminer un article sur Diên Biên Phù sans dire un mot de l’ami Diop, le Sénégalais qui a sauvé la vie d’Alexandre et est devenu pour lui un frère. Qui l’initie, en outre, aux idées de décolonisation en même temps qu’à la production littéraire du groupe d’écrivains formé autour de Présence africaine.

mardi 5 mai 2015

Le Prix Louis Guilloux à Abdourahman A. Waberi

Le lauréat recevra son prix le 5 juin mais le résultat des délibérations du jury qui célèbre la mémoire de Louis Guilloux en saluant un écrivain contemporain est connu: Abdourahman A. Waberi est le lauréat 2015 pour son dernier roman, La Divine Chanson.
Abdourahman A. Waberi était à Washington, où il enseigne à l’université, quand nous l’avons interrogé sur La Divine Chanson, son nouveau roman. Qui, la géographie est parfois bonne fille, se déroule pour l’essentiel aux Etats-Unis. Son fil conducteur est la vie de Gil Scott-Heron, chanteur, compositeur, écrivain né à Chicago en 1949 et mort en 2011. Mais l’auteur n’a pas voulu s’enfermer dans la biographie traditionnelle. D’ailleurs, le narrateur est… un chat !
Pourquoi vous être intéressé à Gil Scott-Heron ?
J’avais déjà interrogé la création à travers une figure d’artiste. En revanche, je n’avais rien écrit sur les Etats-Unis. Au départ, à la mort de Gil Scott-Heron, je voulais lui rendre hommage en quelques feuillets. Puis je me suis pris au jeu, parce qu’il avait dû toucher quelque chose au plus profond de moi. Très vite s’est posée la question du narrateur. Le point de vue le plus naturel aurait été celui de sa grand-mère, qui l’a connu de sa naissance à 12 ans et qui est ce que les Antillais appellent le « poteau-mitan » de la famille. Mais, après douze ans, cela posait un problème. J’aurais pu faire raconter l’histoire par des femmes…
Et vous avez choisi un chat !
Un jour, en faisant mes recherches, dans une note en bas de page, j’apprends qu’il avait un chat qui s’appelait Paris. Je n’avais même pas besoin de l’inventer, il avait existé et c’était mon narrateur. J’ai appris plus tard que le dernier concert de Scott-Heron s’est passé à Paris, près de chez moi, au New Morning.
Auriez-vous pu écrire ce roman en grande partie américain sans vivre aux Etats-Unis ?
Oui et non… J’y étais allé en 2000-2001, parce que j’étudiais l’anglais, mais je ne m’y étais pas installé. Donc, oui, dans la mesure où j’avais cet imaginaire anglo-saxon. Mais non, parce que je n’étais pas assez imprégné d’une ville pour m’autoriser à écrire une fiction. Maintenant, j’habite au cœur du vieux Washington noir, là où est né Marvin Gaye, près de là où habitait Duke Ellington, dans des lieux fréquentés par des artistes noirs.
Dans le roman revient, plusieurs fois, ce que vous appelez « la Chose ». Qu’est-ce que c’est ?
C’est l’esprit vivant de la musique, qu’on appelle funky, blues ou jazz, et qui circule dans les Amériques noires, pas seulement aux Etats-Unis, et qui passe par Paris avec les musiciens. Le jazz est, au fond, une chose obscure que même les spécialistes n’arrivent pas à définir, donc c’est « la Chose ».
Pourquoi avoir appelé le personnage Sammy Kamau-Williams, et pas Gil Scott-Heron ?
J’avais écrit une grande partie du roman en utilisant son vrai nom. Puis, dans la dernière partie, je me suis un peu lâché et je ne voulais pas entraîner le lecteur vers une variation de la biographie d’un homme. A force de mûrir, le projet avait changé, la part de fiction était devenue plus importante, il y avait plus de fantaisie. Changer de nom m’autorisait, et autorisait le lecteur, à rêver davantage.
Cela vous a-t-il permis d’écrire sur des thèmes plus personnels ?
J’aurais pensé que ce n’était pas un roman sur l’exil, sur la perte d’un pays, sur une société en déshérence, comme je le fais souvent. J’aurais imaginé un livre situé loin de moi. Mais, si vous dites qu’il y a une part de moi, je vous crois sur parole.
Il est question de légendes, de contes, dans des passages souvent en italiques. Etait-ce son univers, ou est-ce le vôtre ?
C’est là où le projet devenait intéressant, en se plaçant dans le sillage du chat. Pour le dire d’une manière musicale, j’ai mixé deux univers, deux langages : ce qu’on pourrait appeler l’esprit des Noirs américains et des Noirs de la diaspora, puisqu’on passe par le Brésil, la Jamaïque, Haïti, avec un univers plus spirituel, qui serait orientaliste si on était dans la littérature française, qui va géographiquement des contreforts de l’Afghanistan aux rives du Bosphore. Donc, j’ai aussi travaillé sur la langue du Coran ou des Mille et une nuits.