mercredi 2 mai 2018

14-18, Albert Londres : «Le Plémont fut une des terribles journées de cette bataille de l’Oise.»




Ceux qui furent à la peine aujourd’hui à l’honneur
Capitaine en 1914, général hier

(De l’envoyé spécial du Petit Journal.)
Front français, 29 avril.
Le général que l’on vient de décorer cet après-midi au son du canon était capitaine au début de la guerre. C’est une des raisons qui donne si grand air à cette parade. L’autre c’est que ce chef a remporté un succès, celui du Plémont.
Vous vous en souvenez. Le 30 mars, furieux de n’avoir pu tourner l’armée française qui était accourue boucher la vallée de l’Oise, le Boche voulut la percer. Il frappa à Rollot, à Orvillers, au Plémont. Il frappa fort. Ses hommes, le soir même, devaient être à vingt kilomètres de là entre Noyon et Compiègne. Ils ne furent même pas à mille mètres, à l’exception des huit cents prisonniers.
Le Plémont fut une des terribles journées de cette bataille de l’Oise. Le Boche attaqua avec trois divisions. Nous, nous en avions une. C’est celle que commandait le chef fait depuis général, et cet après-midi, officier de la Légion d’honneur.
La scène se passait à deux pas du feu, auprès du massif qui valait leur gloire, à ce chef qui est là, béret en tête, et à ses troupes qui, pour l’entourer, ont quitté la ligne où elles remonteront dès le ban fermé.
La division n’était pas toute là. Le Plémont, même pour honorer ses héros, ne pouvait pas être abandonné. Trois bataillons d’un seul régiment la représentaient. Béret en tête, toile de tente en sautoir, ces hommes, qui n’ont pas vu un village depuis un mois, attendent la revue. C’est le général d’armée qui doit la passer, il arrive. Accolade des deux généraux, puis élevant la voix, le chef d’armée dit :
Mes chers camarades,
En remettant à votre général la croix d’officier de la Légion d’honneur que lui a décernée le général commandant en chef, j’ai voulu lui témoigner ma particulière estime… Mon intention ne va pas à lui seul. C’est à la division tout entière, ainsi qu’au régiment colonial du Maroc qui marchait avec elle, que je veux faire honneur. Je vous ai donné la garde d’une des portes qui donnent accès au cœur de la France. Vous avez fidèlement rempli votre mission : 800 prisonniers dont 20 officiers, 50 mitrailleuses, la 7e D. R. anéantie, la 103e sérieusement éprouvée, tel est le bilan. Vous pouvez être fiers. Bien que vos noms et vos numéros ne soient pas encore publiés, le pays vous a deviné et vous est reconnaissant… Viendra le jour de la justice et de la vengeance. La division sera un peu là et le Boche la sentira passer. Veuillez retourner auprès de vos camarades, vous leur exprimerez à tous ma profonde affection. – Au revoir.
Et ils remontèrent aux Boches.
Le Petit Journal, 2 mai 1918.


Aux Editions de la Bibliothèque malgache, la collection Bibliothèque 1914-1918, qui accueillera le moment venu les articles d'Albert Londres sur la Grande Guerre, rassemble des textes de cette période. 21 titres sont parus, dont voici les couvertures des plus récents:

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Lectures pour une ombre
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Voyages au front de Dunkerque à Belfort
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