Les Jeux olympiques de 2024 doivent être une réussite. C’est
en France, dans les mois qui précèdent l’événement, que se déroule le dernier
roman de Gérard Mordillat, Ces femmes-là.
Ce n’est pas beau à voir…
En revanche, la lecture est passionnante et provoque un effet
d’entraînement auquel on résiste aussi peu qu’au flux humain d’une grande
manifestation, voire de deux. Car, en trois temps qui découpent le récit en
autant de parties, « Avant », « Pendant » et
« Après », se déroulent quantité de manœuvres et de drames qui en
découlent directement.
Le titre annonce un éclairage particulier sur les
personnages féminins. Oui, ils sont là, ou plutôt elles sont là, mais ne nous
emballons pas.
Il y a plus fort en effet que Daisy, Morgane, Nadia,
Faustine, Julia et les autres (elles sont une vingtaine dans la liste des
personnages principaux, ajoutons-y pour faire bonne mesure une dizaine dans des
rôles secondaires).
Il y a le contexte politico-social, à côté duquel
manifestations et répression des gilets jaunes font pâle figure. Il offre à
Gérard Mordillat un terrain de jeu idéal, d’autant qu’il l’a lui-même choisi,
pour lâcher ses chiens contre toutes les dérives dictatoriales et pratiquer une
ironie féroce envers un système de pensée favorable à un pouvoir fort, qui gagne
les esprits à très grande vitesse. Dans le roman, au moins, car dans la vraie
vie de ces années que nous vivons, cette inclination semble invraisemblable – à
moins que… ? Oui, bien sûr, en pratiquant la fiction, l’écrivain, que l’on
sait engagé à défendre les causes auxquelles il croit, se fait aussi lanceur
d’alerte.
Donc, le grand chantier des Jeux olympique a été le prétexte
à un spectaculaire rétrécissement des libertés individuelles. Pour le bien
collectif, cela va sans dire, il y aura du travail obligatoire à l’intention
des chômeurs heureux de retrouver ainsi le rythme de la vie active. Par crainte
des désordres, et avec à la tête du pays un général-président inspiré par les
ambitions d’un triumvirat de grands patrons, les syndicats seront muselés, les
musulmans binationaux expulsés, tout suspect arrêté sans nécessité d’expliquer
pourquoi, ni où se passe la détention…
Le pire est que tout cela semble presque normal, comment en
est-on arrivé là ? Sauf, quand même, pour quelques révoltés, parmi
lesquels des syndicalistes et des femmes s’invitent en première ligne dans une
grande marche populaire contre les nouvelles lois liberticides. Comme par
hasard, ceux qui sont favorables à ces lois manifestent en même temps. Au milieu
d’événements déjà bruyants par eux-mêmes sont jetés des hommes armés bien
décidés à agir.
Le principe est vieux comme
le monde mais il fonctionne encore : arrangez-vous pour mettre le bordel
dans la rue, pour faire couler le sang, et le peuple réclamera une autorité
renforcée. Dans un jeu faussé par la manipulation, les uns et les autres
tentent d’échapper au destin collectif pour suivre des voies personnelles. Pas
facile, mais exaltant.
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