Mary Higgins Clark avait 92 ans. Elle vient de mourir et, s’il
faut désigner un suspect, on pensera tout de suite à son grand âge. Une
explication plus simple que dans les thrillers qu’elle écrivait à flux tendu
depuis 1975 (La maison du guet).
Avant cela, elle avait déjà tâté de l’écriture, mais pas au rythme qu’elle
allait alors prendre pour une cinquantaine de romans, certains en collaboration
avec sa fille (car pourquoi, en effet, ne pas embarquer la famille dans une
affaire qui marche ?), Carol Higgins Clark, ou d’autres avec Alafair
Burke.
En France, on l’avait découverte en 1979 avec la traduction (par Anne Damour) de La nuit du renard grâce à laquelle
on peut créditer son éditeur, Albin Michel, d’un flair certain : il avait
créé, pour l’occasion, la collection « Spécial Suspense », où ont
trouvé place depuis un grand nombre des livres qu’elle a signés, rejoints par d’autres
auteurs et autrices souvent de qualité.
De meilleure qualité d’ailleurs que la suite de la
production propre à Mary Higgins Clark. Car, si La nuit du renard avait provoqué un véritable choc (dont j’ai l’impression
de n’être toujours pas remis, plus de quarante ans après), beaucoup d’autres
titres sentent la colle, la grosse ficelle et les bouts de carton disposés approximativement
pour ressembler, de loin, à un décor cohérent.
Bref, il y a des années que j’ai lâché l’affaire, laissant à
d’autres le soin de continuer à suivre une femme dont, probablement, j’avais
perdu de vue les qualités pour ne plus voir que les défauts.
Mais je ne renie rien et, en l’honneur de cette fidélité à
la mémoire d’une lecture, je vous glisse le début de La nuit du renard, et je vous envie si vous ne l’avez pas encore
ouvert…
Il était assis, immobile devant la télévision dans la chambre 932 de l’hôtel Biltmore. Le réveil avait sonné à 6 heures, mais il était debout depuis longtemps. Le vent froid et sinistre qui faisait trembler les vitres l’avait sorti d’un sommeil agité.Les actualités du matin avaient commencé, mais il n’avait pas monté le son. Ni les nouvelles ni les éditions spéciales ne l’intéressaient. Il voulait juste regarder l’interview.Mal à l’aise sur sa chaise trop raide, il croisait et décroisait les jambes. Il s’était douché, rasé, et avait mis le costume de tergal vert qu’il portait en arrivant à l’hôtel la veille au soir. La pensée que le jour était enfin arrivé avait fait trembler sa main et il s’était légèrement coupé la lèvre en se rasant. Il saignait encore un peu, le goût salé du sang dans sa bouche lui donna un haut-le-cœur.Il avait horreur du sang.
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