Vincent Message, avec son troisième roman, poursuit une démarche cohérente où l’imagination se met au service d’une interprétation du monde – de notre monde contemporain. Cora dans la spirale est l’histoire d’une jeune femme aspirée par un système de management qui vise à l’efficacité totale, à la rentabilité maximale, et tant pis pour celles et ceux qui ne se montrent pas à la hauteur ou ne sont pas assez malléables pour se plier avec docilité aux lois du moment.
Chez Borélia, une compagnie d’assurances en pleine
transformation – plus tard, on pourra dire restructuration –, l’entreprise
familiale a cédé aux sirènes d’un groupe plus important. « Big is
beautiful », n’est-ce pas ? Cora voit venir les changements avec un
peu de crainte car elle vient de rentrer d’un congé de maternité – et la petite
Manon, si elle enchante sa vie avec Pierre, ne simplifie pas l’organisation de
la vie quotidienne. Mais, forte de ses qualités reconnues dans le secteur du
marketing où elle se trouve, elle imagine traverser sans trop de mal
l’inévitable tempête.
Bien entendu, rien ne se passe comme prévu. La marche d’une entreprise est un rouleau compresseur qui fait peu de cas des individus et les états d’âme ne sont rien devant les buts poursuivis. Que Cora tombe amoureuse de Delphine, membre de la mission de conseil chargée d’optimiser le fonctionnement des différents secteurs, qu’elle s’attache à aider un réfugié malien en quête de paix après la guerre qu’il a fuie, ainsi que d’une autorisation de séjour en France, ce ne sont que des détails dans une histoire globale.
C’est pourtant à ce genre de détails que Mathias s’attache quand il tente de reconstituer, longtemps après des événements dont on apprendra pourquoi ils le touchent de près, ce qui est arrivé jusqu’au drame. De celui-ci, n’en disons pas rien, car il est longtemps annoncé, menace à l’horizon, et, à l’évidence, il se concrétisera le moment venu – laissons-le donc venir, il est assez brutal pour justifier l’attente.
D’autant que cette attente est nourrie d’une vie examinée sous tous les angles, comme s’il s’agissait de rédiger un portrait long format. Très long format. Les aspirations de Cora étaient bien plus grandes que le territoire sans cesse rétréci que lui ont laissé les années. « 30 ans seulement, et de moins en moins de vies possibles », a-t-elle écrit dans un des carnets qui retracent par bribes quelques épisodes du passé, avec les hauts et les bas d’une sensibilité parfois exacerbée. Mais qui nous touche à chaque instant.
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