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dimanche 17 mai 2020

BHL déconfiné

Bernard-Henry Lévy a dû vivre des semaines difficiles en philosophe tout-terrain soucieux d’aller prendre la température du monde là où les conflits menacent les populations les moins favorisées. Voyez-le arpenter la planète alors qu’elle allait être parcourue, en moins de temps qu’il n’en faut à BHL pour boucler un « bloc-notes » destiné au Point, par Ce virus qui rend fou – titre de son nouveau (petit) livre de circonstance, à paraître le 10 juin seulement chez Grasset mais disponible depuis quelques jours dans sa version numérique.
Non, je ne surveille pas son agenda, je me contente de lire ce qu’il en dit. Du Nigeria, il avait « rapporté, quelques semaines plus tôt, un reportage sur des massacres de villages chrétiens par des djihadistes peuls ». Au moment où l’épidémie se déclarait, il était « en mission sur l’île de Lesbos, en Grèce, dans un camp prévu pour 2 000 réfugiés mais où ils étaient 20 000, souvent venus de Syrie, puis chassés de Turquie par Erdogan, à s’entasser dans des conditions sanitaires qui défient l’imagination. » Quelques heures avant l’entrée de la France dans le confinement et la fermeture des frontières, il était en reportage au Bangladesh : « on y mourait de la dengue, du choléra, de la peste, de la rage, de la fièvre jaune et de virus inconnus ; mais voilà que l’on y détecte quelques cas de Covid et lui aussi, comme un seul homme, se sangle dans le confinement. »
Non, BHL n’est pas homme à aimer le confinement, même s’il s’y plie en citoyen respectueux des lois. Heureusement pour lui, quand il est enfermé, c’est l’extérieur qui vient à lui. Il reçoit des vidéos « de Kiev et de Milan, de New York et de Madrid, mais aussi de Lagos, d’Erbil ou de Qamishli », heureux homme qui n’a pas, comme nous, à surfer sur la toile pour savoir comment les choses se passent ailleurs. Il est le réceptacle de toutes les situations critiques, l’oreille où s’écoulent les plaintes.
Son œuvre parle pour lui. Voyez comment il la cite sans fausse modestie. Ses convictions profondes remontent à ses débuts, « au temps de La Barbarie à visage humain ». Ce qu’il pense, il l’a « toujours pensé » et il a écrit des livres sur toutes les convulsions de nos sociétés, afin que ses lecteurs en prennent la juste mesure et ne se laissent pas contaminer par la pensée superficielle de commentateurs qui ne citeraient pas à tout bout de champ Virgile, Pascal, le Talmud, Foucault, Lacan, La Boétie, on en passe (pas Botul, soyons sérieux, on n’est pas là pour se moquer).
Car BHL pense, et sa pensée est aussi souple que ses convictions sont arrêtées. Il est capable d’envisager, sur ce qui s’est passé avec ce foutu virus dans la tête des gens (qui n’ont pas pris, comme lui, le temps de la réflexion), une possibilité, puis son inverse, puis l’inverse de l’inverse – qui n’est pas, comme les esprits simples auraient pu le concevoir, le retour au point de départ mais plutôt une sorte de tournis philosophique aux points de repère assez flous.
Dans le même registre, il s’inquiète de ce que l’on n’avait jamais vu, « sur tous les écrans de la planète, l’image de ces éditorialistes cédant la place à des commentateurs hospitaliers ». Au moins, reconnaît-il, ceux-ci savent-ils de quoi ils parlent, au contraire d’un quelconque « opinioniste professionnel ». Parlerait-il de lui-même, qui a un avis sur tout ? On se gardera d’avancer cette hypothèse absurde. Il n’est pas fait du même bois que les « sachants » dont la communauté est traversée par des fractures qui la dévalorisent. Tandis que BHL est en droit d’affirmer, à trois reprises : « je sais », sachant sachant savoir grâce à l’épistémologie, à Kant, à sa perception de la « pétarade perpétuelle » produite par les scientifiques.
BHL est en colère, il conduira le front de la résistance « à ce vent de folie qui souffle sur le monde. » Et ne croyez pas que cette colère vient de naître. Elle a grandi, sous les yeux des lecteurs du Point, dans son « bloc-notes » déjà évoqué et que Ce virus qui rend fou reprend en partie, réécrit pour d’autres pages, complète un peu.

vendredi 24 avril 2020

Les joies du calendrier


Le 26 février, Joël Dicker donnait en un tweet l'information que ses lectrices et lecteurs attendaient avec une certaine impatience.


Le 16 mars, c'était une tout autre chanson...


Et, enfin, la délivrance...

Il est loin d'être le seul, parmi les auteurs attendus depuis quelque temps dans les listes de meilleures ventes, à avoir dû patienter. Je ne vais pas vous faire la liste, mais quelques noms quand même, pour fixer les idées: Alexandre Jardin, Bernard Minier, Olivia Ruiz, l'inévitable Guillaume Musso... (Si quelqu'un a des nouvelles de Marc Levy... A-t-il profité des circonstances pour prendre une année sabbatique? Bien, bien...)
Il y a pire: les auteurs qu'on n'attend pas dans les listes des meilleures ventes mais qui comptent pour dix, cent, mille lectrices et lecteurs. On en parle forcément moins, et encore moins des livres théoriquement sortis à la mi-mars, confinés avant même d'avoir été posés sur les tables des librairies fermées entre-temps.
Depuis un gros mois, les éditeurs ont commencé à revoir leur copie - entendez leur programme. Prématurément pour certains, dont le calendrier ressemble désormais à un brouillon de Proust, paperolles comprises.
Les plus attentifs d'entre vous savent que j'intègre, au bas de cette page, un agenda des parutions. Oubliez-le pour quelques semaines encore, il ne correspond plus à rien - même si, parfois, les versions numériques sont sorties à la date prévue, le papier étant reporté à plus tard.
Et dire que nous sommes à un moment de l'année où la rentrée littéraire est, en principe, presque bouclée... Des parutions qui étaient prévues dans les carnets secrets des éditeurs en ont soudainement disparu, des romancières et des romanciers sont, encore bien plus que nous, dans le brouillard.
En attendant, comme personne n'a lu tout ce qui était paru depuis janvier, il ne manque pas vraiment de nourriture - sans rien dire des conseils (que je ne suis pas) pour supporter le confinement (je ne le suis pas, confiné) grâce à des ouvrages adaptés au contexte ou, au contraire, bien faits pour ouvrir un horizon trop bas.
Et puis, quand les nouveautés reviendront, on appréciera les retrouvailles avec l'actualité. Il n'y manquera, pour les lectures de livres imprimés, que l'odeur de l'encre fraîche - car elle aura eu le temps de se dissiper.