vendredi 30 août 2013

Seamus Heaney, le poète de l'Irlande réinventée

On apprend aujourd'hui la mort de Seamus Heaney, grand poète avant d'être prix Nobel - et après aussi, d'ailleurs. Je n'avais pas lu de traductions récentes, mais j'avais été très impressionné, dans les années 90, par la découverte de son oeuvre, sur laquelle j'avais eu l'occasion d'écrire ceci dans Le Soir, à l'occasion, précisément, du prix Nobel. Depuis 1995 moment où l'article est paru (je ne l'ai pas mis à jour), d'autres livres ont heureusement été traduits...

Né en Irlande du Nord en 1939, Seamus Heaney a participé très tôt à la vie littéraire de son pays en même temps qu'il prenait conscience de la situation politique très particulière où il se trouvait, en tant que catholique. Prenant appui à la fois sur une tradition ancienne et sur la réalité contemporaine, il s'est dessiné un territoire singulier à l'intérieur duquel se déploie une langue à la fois simple et riche, porteuse de sens multiples.
Sa biographie se confond presque avec sa carrière littéraire : des premières publications lorsqu'il était étudiant, puis des recueils immédiatement salués par une critique unanime, Death of a Naturalist (1966), Door into the Dark (1969), North (1972), etc., et parallèlement un parcours universitaire qui l'a mené, en 1989, à la chaire de poésie d'Oxford. Il faut noter aussi qu'il a quitté l'Irlande du Nord en 1972, en raison des troubles politiques, pour s'installer en république d'Irlande - mais il a beaucoup vécu à Londres et aux États-Unis.
L'académie royale suédoise a choisi d'honorer une oeuvre caractérisée par sa beauté lyrique et sa profondeur éthique, qui fait ressortir les miracles du quotidien et le passé vivant, a expliqué le comité du prix.
Seamus Heaney est l'auteur d'une poésie très lisible - mais peu traduite en français, puisque deux ouvrages seulement sont disponibles dans notre langue : Poèmes 1966-1984 (Gallimard, 1988) et Les errances de Sweeney (Le Passeur, 1994). Loin de toutes les expérimentations, il cherche à poser quelques questions fondamentales dont il fait la matière même de ses textes, l'expression la plus fine de ses interrogations puisées dans l'histoire la plus lointaine, mais revivifiée, se confondant avec leur sens.
Levée, montée des sentiments hors de leurs cachettes
Les mots pénètrent presque le sens du toucher
et se dénichent eux-mêmes de leurs sombres clapiers
Perçu comme un écrivain du Nord, il avait l'ambition de devenir un écrivain, tout simplement. Sa réputation toujours plus grande, et qui atteint maintenant les lecteurs les moins sensibles à la poésie, lui a permis d'atteindre ce but.
Poète imprégné d'autres écrivains, de Dante à Joyce, toutes influences qu'il a réussi à intégrer dans une langue propre, Seamus Heaney est aussi un lecteur dont les essais sont devenus rapidement des références dans le genre. Il a aussi publié une pièce de théâtre (The Cure at Troy. A Version of Sophocle's Philoctetes, 1991), revenant ainsi à un de ses premiers centres d'intérêt en littérature.
Mais une ligne de force traverse toute son oeuvre, quel que soit le genre dans lequel il s'exprime : une sorte d'interprétation du présent à travers les grands thèmes de la littérature.
Le sol auquel l'oreille depuis longtemps se colle
Est écorché ou calleux, et ses entrailles
Sondées par un augure impie.
Notre île est pleine de rudes fureurs.

1 commentaire:

  1. J'ai sous les yeux "La lanterne de l'aubépine" publié par "Le temps des cerises" en 1996

    Bonne journée
    Nielcass

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