Un nouveau crime
La cathédrale de Saint-Quentin entièrement
détruite
(De l’envoyé
spécial du Petit Journal.)
Front français,
16 août.
Hier, ils ont
exécuté celle de Saint-Quentin, ils ont incendié la cathédrale sans tour.
On allait la
voir quelquefois à deux ou trois kilomètres. C’était, à cette distance, une
grosse maison ; elle surplombait de sa masse imposante la ville où l’on ne
peut pas encore entrer. Des bois d’Haumont, l’esprit reporté sur son passé avec
intensité, on la regardait dans le ciel ; elle était complète, c’était la
cathédrale.
Ils l’ont
flambée cette nuit.
Un peu avant
une heure du matin, un coin de grand paysage lunaire des tranchées s’éclaira,
c’était Saint-Quentin.
À la lueur qui
était haute, on vit que c’était bien davantage, c’était la maison de Dieu jetée
en pâture aux flammes allemandes. Elle brûla toute la nuit.
De leurs
tranchées, de leurs postes de guetteurs, de leur route de ravitaillement, nos
soldats, l’insulte au cœur, virent se consumer la torche nationale. Elle ne
subissait pas son supplice en silence ; par moment des explosions
s’entendaient. Ils avaient savamment préparé son bûcher : un foyer d’incendie
en allumait un autre. Les saligauds l’eurent tout entière.
Ce matin nous
la vîmes fumer. Elle ne flambait plus, elle n’avait plus assez de forces pour
cela : elle était morte. La mort l’avait tellement changée que nous ne la
reconnûmes pas. Nous avions son cadavre là, devant nous, et nous la cherchions
encore. C’était elle. Son toit s’est effondré sur ses dalles, elle est scalpée.
Sa longue arrête qui tranchait le ciel a disparu. En une nuit elle a perdu ses
siècles.
Nous ne la
quittions pas des yeux. Nos mains qui tenaient nos jumelles tremblaient, son
cadavre paraissait tout écorché et l’ennemi se promenait devant.
Sur la droite,
par la deuxième échancrure d’une chaîne de montagne, tragiquement les tours de
celle de Laon contemplaient cela.
Le Petit Journal, 17 août 1917.
Aux Editions de la Bibliothèque malgache, la collection Bibliothèque 1914-1918, qui accueillera le moment venu les articles d'Albert Londres sur la Grande Guerre, rassemble des textes de cette période. 21 titres sont parus, dont voici les couvertures des plus récents:
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Lectures pour une ombre
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Voyages au front de Dunkerque à Belfort
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Journal d’un bourgeois de Paris pendant la guerre de 1914. Intégrale
ou tous les fascicules (de 1 à 17) en autant de volumes
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Dans les remous de la bataille
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