Le premier roman de Jessie Burton se déroulait dans la ville
d’Amsterdam au XVIIe siècle. Retour sur Miniaturiste,
réédité récemment au format de poche, alors que paraissait la traduction
française de sa deuxième incursion en littérature, Les filles au lion. Cette fois, elle nous entraîne à Londres en 1967 et en Espagne en
1936. Et la romancière réussit son coup autant que la première fois.
Le Rijksmuseum d’Amsterdam possède la somptueuse maison
miniature de Petronella Oortman, si élaborée qu’on recule devant l’appellation
traditionnelle de « maison de poupée ». Posséder pareille merveille
supposait, à la fin du XVIIe siècle, d’y mettre le prix : Jessie
Burton l’estime à cinq fois la valeur d’une rivière de diamants, ou dix mille
fois celle d’une chemise d’homme. Malgré ces précisions, fournies en fin de
volume, le premier roman de la Britannique n’a rien d’un traité économique sur
les Pays-Bas de l’époque. En revanche, Miniaturiste,
dont le titre français évite l’article pour des raisons que nous vous laissons
découvrir, est un roman ambitieux où la mise en perspective du monde réel et de
sa version réduite fonctionne comme un révélateur des choses cachées. Elles
sont nombreuses.
Le récit tient en quelques mois, de la mi-octobre 1686,
quand Petronella Oortman, le plus souvent appelée Nella, arrive à Amsterdam
dans la riche maison d’un mari qu’elle n’a pas revu depuis des noces rapidement
expédiées, au 14 janvier de l’année suivante, pour l’enterrement d’on ne sait
qui – c’est la scène inaugurale et la fin du roman fournira l’identité de cette
personne décédée qui « n’avait pas
d’amis ».
Entre les deux dates, Nella, dix-huit ans, originaire de la
campagne, découvre non seulement une grande ville florissante mais aussi
quelques-uns des mécanismes grâce auxquels se font et se défont les fortunes.
Celle de son mari, par exemple, Johannes Brandt, marchand qui à 39 ans continue
à beaucoup voyager. Il est respecté de tous en raison de ses succès
commerciaux. Mais les bases de sa vie privée sont minées par des failles dont
la découverte provoquerait une condamnation sans appel.
Arrivée dans une demeure emplie de pièges, Nella reçoit, en
cadeau d’un mari attentionné mais dont l’amour ne se manifeste pas au lit, la
fameuse maison miniature. Elle reproduit avec précision les lieux où Nella est
installée. Mieux, ou pire : après que sa propriétaire a commandé quelques
objets décoratifs supplémentaires, elle en reçoit d’autres. Ils disent, du
présent, des choses que Nella ignore ou ne veut pas savoir. Ils prédisent même,
du futur, des événements sur la signification desquels il est aisé de se
méprendre.
Qui dirige le mystérieux atelier où sont fabriquées ces
pièces imitant le réel à la perfection ? Et pourquoi ces livraisons non
sollicitées ? Les questions se multiplient, les menaces aussi. Le sucre
que Johannes a été chargé de vendre est sur le point de se corrompre, c’est
peut-être sa fortune qui est sur le point d’être entamée, en même temps que sa
crédibilité. Il y a plus grave encore, à côté de quoi la froideur de Marin,
sœur de Johannes et véritable maîtresse de la maison, devient accessoire.
D’autant que Marin elle-même possède son secret, aussi inquiétant que celui de
son frère dans une société extrêmement puritaine.
L’écriture de Jessie Burton, transposée en français, est d’une élégante précision qui lui permet de décrire le milieu où Nella a été transplantée sans jamais donner l’impression d’en faire une description systématique. Et les cartes que pose la romancière sur le tapis ne sont retournées qu’au dernier moment, avant lequel nous aurons eu tout loisir, comme Nella, d’imaginer erronément ce qu’elles sont.
L’écriture de Jessie Burton, transposée en français, est d’une élégante précision qui lui permet de décrire le milieu où Nella a été transplantée sans jamais donner l’impression d’en faire une description systématique. Et les cartes que pose la romancière sur le tapis ne sont retournées qu’au dernier moment, avant lequel nous aurons eu tout loisir, comme Nella, d’imaginer erronément ce qu’elles sont.
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