mercredi 8 juillet 2009

John Cheever, romancier - aussi

J'éprouve pour l'œuvre de John Cheever une admiration quasi sans bornes. Quand je l'ai découvert, à la fin des années 70, il était encore assez peu traduit. Falconer, que j'ai lu à cette époque en français, m'avait beaucoup impressionné. J'en ai peut-être alors trouvé un ou deux autres.
Tout a basculé quand, dans une librairie d'occasion, je suis tombé sur un recueil de nouvelles en version originale. Je me suis appliqué à saisir toutes les nuances de la langue limpide par laquelle Cheever fait passer quantité d'informations et d'émotions. Quand j'ai cru y être arrivé, je me suis rendu à l'American Library de Bruxelles pour y emprunter le volume des nouvelles complètes de cet écrivain. Et je me suis lancé, en collaboration, dans une traduction de quelques textes, choisis parmi ceux qui me touchaient particulièrement. Le travail a bien avancé, un contrat a même été signé chez Julliard pour une publication. Et puis, ce sont des choses qui arrivent, la directrice littéraire qui avait soutenu le projet a quitté la maison, tout s'est arrêté.
Un peu plus tard, lors d'une remise de prix littéraire, j'ai rencontré Dominique Mainard, alors jeune nouvelliste. Dans la conversation, je ne sais plus comment ni pourquoi, le nom de John Cheever a surgi: elle était occupée à traduire ses nouvelles! Elle a eu plus de chance que moi - elle est aussi meilleure traductrice, ce qui a peut-être joué. Plusieurs volumes de ses traduction des nouvelles sont parus chez un éditeur qui a de la suite dans les idées.
En effet, Dominique Mainard est devenue entretemps une romancière à succès, elle traduit probablement moins mais Laetitia Devaux a pris le relais pour, cette fois, un court roman inédit en français: On dirait vraiment le paradis.
Si le paradis fournit le même bonheur que cette lecture, je signe tout de suite pour un aller simple. J'y retrouve bien "mon" John Cheever, bien qu'il ait publié ce livre à l'extrême fin de sa vie, l'année même de sa mort en 1982. (Je n'ai jamais vraiment creusé la question, les livres m'intéressant plus que leurs auteurs, mais il semble que cette fin de vie ait été assez agitée et perturbée par une volonté plus ou moins consciente d'autodestruction.)
Un homme riche et âgé s'y trouve choqué par ce qu'est devenu l'étang sur lequel il a aimé patiner: une décharge qui enrichit quelques hommes d'affaires véreux. Il entreprend de lutter contre eux, malgré les réels dangers qu'il y a à mener ce combat. Dans le même temps, il rencontre une femme avec laquelle il entretient une relation à la fois intime et lointaine - c'est tout Cheever, ça, "intime et lointaine". Des personnages se croisent, s'observent, parfois se haïssent. Le monde va, cahin-caha, et l'écrivain américain n'avait pas son pareil pour mesurer les secousses, graves ou bénignes, qui influent sur le cours des choses.
Si vous n'avez jamais lu Cheever, laissez tout tomber, attrapez n'importe lequel de ses livres et allez-y. La déception est très improbable - à moins de n'être pas sensible à sa manière de faire, à l'aspect glissé, presque lissé, de ses phrases qui avancent doucement et s'insinuent en vous jusqu'à marquer pour longtemps.


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