lundi 27 juillet 2009

Le livre et mes métiers. 2. Libraire

Nous sommes en 1976. (Enfin, vous, je ne sais pas, mais moi, oui.) Je quitte la bibliothèque pour la librairie. Un autre monde dans le même monde. Une manière différente d'envisager les livres, plus seulement comme des objets culturels qui passent de mains en mains, mais aussi comme des produits à vendre - quand bien même ils ne sont pas comme les autres...
En même temps, je vais de la province vers la capitale (Mons pour Bruxelles), pour le lieu de travail au moins. De nouvelles découvertes, de nouvelles rencontres - dont celle de Bernard Wallet, sur qui je reviendrai dans quelques semaines, au moment de la rentrée littéraire. Le milieu littéraire belge, un peu de Paris aussi, à travers les représentants des maisons d'édition et quelques reportages que je fais pour la revue de la librairie, instrument de promotion que j'utilise pour écrire, parler des livres que j'aime. Des auteurs passent, j'anime des rencontres avec eux. Je me souviens des... deux personnes qui étaient venues écouter Patrick Grainville, pourtant prix Goncourt récent. Ce n'était pas toujours un succès.
L'enthousiasme est là. La démarche commerciale, probablement un peu moins. Comme tous les autres libraires de ce grand établissement (c'était la plus grande librairie de Bruxelles avant l'arrivée de la FNAC), j'encaisse, je pointe les cartes de fidélité, je fais des emballages cadeaux quand la saison s'y prête...
Bien entendu, ce n'est pas dans ces activités que je trouve mon plaisir. En compensation, j'ai tous les livres disponibles à portée de la main, et non plus seulement un fonds de bibliothèque. Je reçois certains titres avant leur parution. Pour la première fois, je vis presque de l'intérieur la frénésie d'une rentrée littéraire.
Une librairie est un lieu vivant, je le constate presque chaque jour. Et reste un lieu d'échanges. Mario Soares, qui est alors premier ministre du Portugal, me parle du roman de Colleen McCullough, Les oiseaux se cachent pour mourir, qui n'est pas encore devenu une série télévisée. Ilya Prigogine, tout frais prix Nobel de chimie, me demande ce qu'il peut lire pour s'évader de sa science - ou pour mieux trouver des intuitions fondamentales, allez savoir. Valéry Giscard d'Estaing, président de grande taille et légèrement suffisant, provoque quelques vagues en venant signer un livre - alors que, de mon côté, je me désole de ne pas réussir à interviewer François Mitterrand...
Je continue à aimer moyennement le commerce du livre. J'aime de plus en plus le livre. Je quitte la librairie après deux ans, pour reprendre des études - quelle drôle d'idée - qui, bien entendu, n'aboutissent à rien et que j'abandonne douze mois plus tard. Les portes de la librairie où, probablement, on m'aime bien, sont restées ouvertes. J'y reviens, un an de plus.
Avant d'autres aventures.
Plus tard, je redeviendrai libraire, mais à Madagascar et pendant neuf mois seulement. Les conditions sont très différentes, le livre n'est pas ici un produit de première nécessité. Le commerce prend naturellement le pas sur la littérature - question de survie pour la librairie, qui pourtant ne survivra pas. Mais je l'ai quittée avant sa fermeture, à laquelle j'assiste cependant désolé. Celle-là, une autre encore, des endroits où le livre existait quand même, et où maintenant il n'existe plus... Pas de lamentations!
Il est presque temps de passer à l'époque où j'ai travaillé dans l'édition.


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