vendredi 24 juillet 2009

Le livre et mes métiers. 1. Bibliothécaire

Le quotidien Le Monde commence une série d'articles consacrés aux métiers de l'édition. Le lecteur professionnel, celui qui donne son avis sur les manuscrits et - dans le cas envisagé - les ouvrages à traduire est le premier sujet, l'éditeur suivra. Puis trois autres métiers, probablement à travers chaque fois un exemple, puisque c'est le cas ici. Il n'est pas interdit, bien entendu, d'envisager les métiers du livre de manière plus générale.
Des livres le font, comme celui-ci.
Mais, comme rien ne vaut une expérience vécue, je vais vous raconter rapidement quelques épisodes de ma vie avec le livre - les livres.
Cela a commencé très tôt, par la lecture. Intense, sauvage, sans aucune logique particulière. Tout ce qui me tombait sous les yeux était bon à prendre. Tout ne me plaisait pas, mais j'en avais besoin.
C'est donc assez logiquement que, au moment où les études "normales" se sont révélées une impasse pour mon esprit plus fait pour le vagabondage que pour la discipline, je suis devenu bibliothécaire. Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit: non, on ne devient pas bibliothécaire parce qu'on est incapable de faire autre chose. Il faut au moins le goût du livre, et connaître deux ou trois choses techniques à propos de la bibliothèque - je parle d'un temps déjà éloigné, car il faut probablement aujourd'hui connaître plus de deux ou trois choses pour devenir bibliothécaire. J'avais acquis cette base encore étroite en suivant des cours du soir pendant une petite année, par pur plaisir. (Plus tard, quand il a été question de reprendre des études sérieuses de bibliothéconomie, mon esprit s'est remis à vagabonder...)
Pendant deux ans et demi, j'ai évolué dans un univers magique. J'avais dix mille livres à portée de la main, je rencontrais des gens qui en empruntaient, j'en achetais pour la bibliothèque, je dépouillais des revues - les titres littéraires étaient l'objet de toute mon attention, vous l'imaginez bien. J'étais fait pour ça. Je m'occupais aussi, le week-end, de la petite bibliothèque de mon village - plus tard, ce serait celle d'un autre village... La vie était belle, je n'imaginais pas autre chose.
Des années après, l'expérience s'étant diversifiée, j'ai compris ce qui me donnait tant de bonheur: la relation non marchande entre le bibliothécaire et le lecteur. Il ne s'agit pas de fourguer plus de livres, et n'importe lesquels, pour faire du chiffre, puisqu'il n'y a pas d'affaires à conclure.
En revanche, défendre un texte que j'avais aimé auprès de quelqu'un qui l'aimerait peut-être, expliquer pourquoi... Je baignais dans une sorte de béatitude.
Je n'étais probablement pas un bon bibliothécaire - mais je ne le savais pas à l'époque, et quiconque eût essayé de me le dire aurait engendré ma colère. Je ne m'intéressais qu'à un aspect du métier, un seul, et je comptais sur les autres pour s'occuper du reste. Ce n'était sans doute pas la bonne méthode puisque, emporté par la lecture - et très vite l'écriture d'articles sur les livres, en guise de prolongement naturel au conseil personnel -, je n'ai pas réalisé que je m'éloignais, et à vive allure, de ce que l'on attendait de moi.
Je ne suis pas occupé à faire mon autocritique: je suis très heureux d'avoir agi ainsi, tout compte fait, puisque la suite en a découlé.
La suite, ce sera... la prochaine fois.


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