On se demande parfois où Frédéric Dard, alias San-Antonio
(du nom du héros qui a phagocyté l’auteur), allait chercher ses jeux de mots.
Il en sort, certes, de pourris, de vaseux, et il était le premier à le reconnaître
volontiers dans des notes adressées au lecteur comme des clins d’œil.
Un exemple, tiré du fraîchement réédité Fleur de nave vinaigrette, vous éclairera si vous n’avez pas été
mis au parfum par des lectures précédentes. Il est question de Mongolie, pays
dont Bérurier, fidèle acolyte du commissaire San-Antonio prétend, pour les
besoins du récit, être originaire. Et l’écriture pousse-au-calembour de
l’auteur lâche, comme un pet sur une toile cirée : « C’est fête au village pour le Mongol extérieur. Ce n’est pas un
Mongol fier. » Voilà qui méritait bien une note : « C’est très mauvais, mais je m’inflige
le bas calembour pour m’obliger à demeurer humble. C’est une bonne
discipline. »
Le célèbre couple de flics français se trouve au Japon, pays
vers lequel ils se sont envolés sans avoir eu le temps de s’y préparer, ce qui
de toute manière n’aurait pas changé grand-chose à la proverbiale inculture de
Bérurier dont on encadrera un savoureux bout de dialogue avec son supérieur
hiérarchique :
« — Dis
voir, San-A., le Japon, c’est bien à gauche de Madagascar ?
— A gauche en
descendant de la gare, précisé-je. »
S’ils sont au Japon, c’est qu’il y a une enquête à conduire.
Bien que, chemin faisant, les occasions de se dissiper ne manquent pas. On
n’oubliera pas leur passage chaud-bouillant dans une école de geishas. Et la
révélation de ce que signifie le nom de Bérurier, à condition de le prononcer
comme l’entend la population locale, « Bé-Rhû-Rié » : en toute
simplicité, Fleur de nave vinaigrette,
d’où le titre dont on aurait pu, là aussi, se demander d’où il était sorti. La
traduction du japonais au français est moins garantie encore que si Frédéric
Dard avait connu Google Translate, dont il n’avait évidemment pas besoin pour
laisser galoper son imagination langagière.
Et l’enquête ? et l’enquête ? nous demandent les amateurs de
polars. Vous pensez bien qu’on s’en moque, de l’enquête, prétexte futile au
regard du plaisir toujours neuf de retrouver San-Antonio et Béru dans leurs
œuvres, tendance catastrophe.
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