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Frankie Fouganthin
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Avouons-le : quand on lit en français, on se sent plus
proche d’un écrivain qui utilise la même langue et le sacre d’un Patrick
Modiano (notre photo) par le Nobel, comme celui d’un Le Clézio il y a huit ans,
a tout pour nous réjouir. Surtout quand l’œuvre est à la hauteur de la
récompense, comme c’est le cas pour l’un et l’autre. Modiano, c’est un univers
romanesque construit dans le brouillard, dans lequel on se perd parfois, mais
avec délices. De nombreux détails concrets rendent le Paris des années
d’occupation aussi proche que si nous y avions vécu, en même temps que les
pistes ouvertes dans les fausses enquêtes constituant souvent la trame
romanesque se dissolvent. Toute l’ambiguïté de son art est dans la distance
qu’il place entre des narrateurs, qui lui ressemblent sans être vraiment
lui-même, et d’autres personnages dont les silhouettes se précisent et
s’estompent dans un seul mouvement. L’écriture est souveraine, elle est la
valeur suprême sans laquelle il n’y a pas de création littéraire. Le succès
public du nouveau roman de Modiano, Pour
que tu ne te perdes pas dans le quartier, est donc très réjouissant.
Pourtant, les fausses valeurs dominent, et de loin, les
classements des meilleures ventes. L’année a commencé avec un élan
d’enthousiasme, dont on se demande encore ce qui le justifiait, pour le premier
roman d’Edouard Louis, En finir avec Eddy
Bellegueule. Ou comment réussir à affirmer son homosexualité dans un milieu
provincial qui n’est pas prêt à l’accepter. Le sujet et les prises de position
fracassantes de l’auteur ont fait oublier la facture médiocre de l’ouvrage,
porté aux nues et devenu emblématique. Un sujet d’étonnement, au moins.
Moins étonnant est le succès, devenu habituel, des auteurs
qui publient, comme des métronomes, un nouveau livre au printemps, leur
assurant une vie confortable jusqu’aux migrations d’été vers les plages. Il
s’agit de Guillaume Musso (Central Park)
et de Marc Levy (Une autre idée du
bonheur), abonnés aux gros tirages. Mais ils ont été, cette année,
rejoints, parfois même dépassés, par les trois volumes dans lesquels Katherine
Pancol a étiré Muchachas, roman dont
nous aurions pu nous passer aussi facilement que ceux de Musso ou Levy.
L’été septentrional passé, nous allions, pensions-nous,
renouer avec des ouvrages plus proches de l’idéal littéraire que chacun
nourrit, plus ou moins consciemment, au plus profond de soi. D’ailleurs, la
rentrée avait bien commencé, avec le volumineux et ambitieux roman d’Emmanuel
Carrère, Le Royaume, où la fondation
du christianisme était évoquée de manière bien plus fine et intelligente que
dans des productions à grand spectacle dont Hollywood a le secret.
Mais personne, ou presque, n’avait vu venir Valérie
Trierweiler et son livre en forme de règlement de comptes avec un président
infidèle. Merci pour ce moment est
devenu un incompréhensible phénomène de société. Quoique, en réfléchissant un
peu, il est aisé de constater que le livre prolonge, selon la même logique du
voyeurisme à succès, la ruée vers Closer
quand ce magazine à la réputation construite sur les « paparazzades »
avait publié, en janvier, les premières photos de François Hollande et de Julie
Gayet.
On n’avait pas trop vu venir non plus l’emballement autour
du nouvel essai d’Eric Zemmour, Le
suicide français. Quoique, même sans réfléchir, il est aisé de voir quelle
direction l’opinion publique a prise dans ce pays.
Faut-il pour autant désespérer ? Non. La littérature, à laquelle
n’appartiennent pas les derniers livres cités, n’est pas morte. Le Goncourt à
Lydie Salvayre pour Pas pleurer
redonne foi dans la lecture de qualité.
s'intéresser aux meilleures ventes , ça ne peut pas être : s'intéresser aux meilleurs livres... Ou bien si ?
RépondreSupprimerComme vous je me suis beaucoup réjouie du Nobel pour Modiano ;-)
Il faut bien constater, en effet, que c'est très différent. Mais on garde toujours l'espoir absurde que les "meilleurs" livres soient aussi ceux qui se vendent le plus...
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