On croit, à cause du titre qu’on va entrer dans le mouvement
des pas qui ont fait d’Éric
Fottorino Le marcheur de Fès (Folio).
Et puis, non. Si la ville se visite à pied, le passé qu’y cherche l’auteur est
plus important que le geste. Le lendemain, ou le surlendemain, on ouvre un autre
livre, peut-être par association d’idée avec le précédent – il y est aussi
question d’un fils et de son père. Là, on croise Péguy avec « ce côté fantassin de vouloir tout
vérifier par la marche. » Le père, loin des préoccupations de son fils
à propos de la pensée du poète et, en revanche, se reconnaissant « dans la figure du peregrinus, de l’homme qui marche. » Je ne
dois pas oublier de préciser que je trouve cela dans Un jour, de Michel Crépu (Gallimard).
Sans surprise, en revanche, Chantal Deltenre et Daniel De
Bruycker ont fait une petite place à « L’art de se promener » dans
les miscellanées de Voyage (Nevicata).
Le titre de cette entrée est aussi celui d’un livre publié par Karl Gottlob
Schelle en 1802 : « Bien
au-delà du simple mouvement physique, la promenade s’y déploie comme un
exercice esthétique. Par le jeu du corps, elle met en branle les mécanismes de
l’esprit, menant à une expérience intellectuelle, mais sans fatigue ni
contrainte. »
Réédité à la Bibliothèque malgache |
Paul de Kock. Ce nom vous dit-il encore quelque chose ?
Pour retrouver cet auteur à succès du siècle avant-dernier, il faut le croiser
par hasard dans les écrits de son temps, ou d’un temps qui ne l’avait pas
encore oublié. A la fin de ses souvenirs de marcheur Au-delà des mers, Yves Gallot le cite. C’était en 1897, dans le Journal des Voyages, pour conclure une
annexe consacrée à « L’art de marcher » : « « C’est fatigant de marcher à pied. Excepté ce petit
désagrément, les voyages pédestres ont bien des charmes. Vous voyez tout à
votre aise ; pas un joli site, pas un beau point de vue ne vous échappe,
vous vous souvenez toujours, car les endroits où l’on a cueilli une plante,
respiré une fleur, coupé une branche de feuillage, pris un peu de repos, ou
fait un léger repas, ces endroits-là restent gravés dans votre mémoire. »
Extrait, dit Gallot, d’un de ses meilleurs romans, Taquinet. En réalité, Taquinet
le bossu, le personnage auquel Paul de Kock prête ces pensées au cours d’un
vagabondage plutôt qu’un voyage, car il ne cesse de quitter la route depuis
qu’il a quitté Munich : il a fait vingt lieues en huit jours.
Quelqu’un a cependant dû faire remarquer à Yves Gallot que
son choix de citation n’était pas très sérieux. Dans le livre qu’il publiera
l’année suivante, où il reprend en l’amplifiant la matière de cet article
(ainsi que quelques extraits de l’entretien qu’il avait donné à un journaliste,
en introduction à la série de ses souvenirs), il choisit des références plus
prestigieuses : Victor Hugo et Jean-Jacques Rousseau. Marcher, oui, mais
sans oublier une saine érudition…
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