Porte de Versailles, à Paris, les visiteurs se dirigent vers
le pavillon où on a enfermé des écrivains pour quelques jours. Ils sont affalés
derrière des piles de leurs derniers livres, grignotent un sandwich entre deux
soupirs, avalent discrètement une gorgée de vin. Les politiciens ne viennent
pas leurs tâter la croupe, comme ils le font aux vaches du Salon de
l’Agriculture. Mais presque… En tout cas, on sort les auteurs des placards où
ils ruminent leurs mots et, l’espace d’une manifestation qui n’a pas que ses
défenseurs, on en parle.
Mais s’agit-il de littérature ? François Bégaudeau et
Iegor Gran, qui viennent tous deux de publier des romans où il est question de
la vie des écrivains, en doutent dans L’Obs
de cette semaine qui les a rassemblés. « Ce
n’est pas une expérience agréable », dit Gran, tandis que Bégaudeau
nuance : « C’est amusant à
regarder, cette grande foire. »
La presse rivalise d’inventivité – ou de redites – pour
marquer l’événement. Jeudi, le Figaro
littéraire publiait un sondage « exclusif » qui, avant l’échéance
électorale de dimanche, était pour une fois étranger à tout ce qui porte des
sigles en guise de noms (UMP, PS, FN, UMPS, FNPS, on en oublie). Il s’agissait
de savoir quels sont les écrivains préférés des Français.
Sans grande surprise, chez nos contemporains, c’est un des
auteurs aux plus gros tirages qui a été choisi : Marc Levy. Il se dit « à la fois très ému, touché, surpris
et heureux. » Son principal concurrent en chiffres de ventes,
Guillaume Musso, n’arrive qu’en troisième position, précédé par l’inoxydable
Jean d’Ormesson – qui entre le mois prochain dans la Bibliothèque de la
Pléiade. Et puis, on trouve Max Gallo, Amélie Nothomb, Michel Houellebecq, Fred
Vargas, etc. Le Figaro a aussi sondé
les Français sur leurs écrivains classiques préférés. Victor Hugo garde la
prééminence, d’une courte tête devant Marcel Pagnol que suivent Jules Verne,
Emile Zola, Guy de Maupassant… Victor Hugo a préféré ne pas réagir, ou aucune
table tournante n’a pu être trouvée pour entrer en communication avec lui.
Depuis 1987, Libération
demande à des écrivains de rédiger le journal du jour précédant l’ouverture du
Salon du Livre. Ils sont 37 à s’y être collé cette année. Aucun d’entre eux
n’est dans la liste des écrivains préférés des Français. Aucun d’entre eux ne
s’attendait non plus à la brutalité de ce qui allait survenir dans l’après-midi
de mercredi : l’assaut, par un commando terroriste, du musée du Bardo à
Tunis. C’est là où l’écrivain se révèle journaliste. D’autant plus aisément
qu’il l’est parfois, comme l’Algérien Kamel Daoud. Leila Slimani, qui a écrit
un roman nymphomaniaque (Dans le jardin
de l’ogre), l’est aussi. Et Olivier Guez, le seul des trois à n’être pas
originaire d’Afrique du Nord. L’actualité brûlante est pour eux et ils s’en
sortent bien.
Mieux, en tout cas, que Sylvie Granotier, empêtrée dans une
rencontre imprévue avec le ministre de l’Intérieur de passage dans les locaux
de Libération (qui sont, depuis la
reparution de Charlie Hebdo, l’abri
provisoire de l’équipe réalisant cet hebdomadaire) – mais c’est souvent drôle
quand les choses fonctionnent moins bien que prévu, et c’est le cas.
Et, si vous avez l'ambition de réussir une carrière littéraire, un Manuel du plus que parfait arriviste littéraire est paru il y a quelques jours, qui semble avoir été écrit pour vous... il y a cent ans et des poussières.
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