Bien, bien... Dans les dix titres que la rédaction du Monde avait sélectionnés pour le prix littéraire qu'elle vient d'attribuer, c'est l'un des meilleurs qui a été choisi: Ce cœur changeant, d'Agnès Desarthe - déjà lauréate du Prix du Livre Inter en 1996 pour Un secret sans importance et du Renaudot des Lycéens en 2010 pour Dans la nuit brune.
Le roman s'avance sans faire beaucoup de bruit, tout s'y joue sur des nuances et des émotions très fines, mais il plonge cependant, et à plusieurs reprises, dans le drame, avec fureurs en prime.
Le personnage principal, Rose Mathissen, naît dans la dernière décennie du 19e siècle et traversera donc quelques évolutions majeures de la société occidentale au cours de sa vie. Elle semble diaphane, porteuse de décisions aussi imprévisibles que celles de son père - pour, le plus souvent, faire le mauvais choix, ce qui la pousse à en faire le moins possible. Elle se laisse donc porter par le hasard, entre à Paris, comme femme de ménage, au service d'un établissement où seules des femmes boivent, et dont la patronne l'exploite allègrement - pas d'argent entre nous, dit-elle à la jeune fille de 17 ans. Elle découvre l'amour, le grand amour, entre les bras d'une danseuse qui la prend sous sa protection, avec l'aisance que lui donne un mari riche, épousé pour la forme. Elle connaîtra aussi la douleur de la rupture...
Surtout, au fur et à mesure qu'elle vit des expériences en marge de ce que ses parents semblaient avoir prévu pour elle - sa mère la renie, elle ne retrouvera son père que dans des circonstances assez atroces -, elle est surprise de trouver en elle des ressources qu'elle ignorait posséder. Et sa silhouette psychologique, si j'ose dire, s'affermit devant chaque obstacle, l'obstacle cédant finalement sans trop de difficultés devant elle.
La mort est une pensée qui l'obsède, elle voudrait disparaître à chaque contrariété, ou même quand perce la pensée d'une possible contrariété à venir. Mais elle est en réalité, bien qu'elle n'en sache rien, faite pour exister pleinement et tirer profit de tout ce qui lui arrive.
Rose est un personnage magnifique. Sous un titre emprunté à Apollinaire, Agnès Desarthe a écrit un roman qui fait vibrer en nous des cordes que l'on pensait assoupies à jamais. Et la musique est belle.
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