C’est le petit nouveau dont on parlait il y a un an et demi : Jean-Paul
Didierlaurent, auteur d’un premier roman porté aux nues par son éditeur, les
journalistes, les libraires qui ont fait avancer la mise en vente. Le liseur du 6h27 a été acheté dans 25
pays pour des traductions. Il « suscite
la gourmandise des producteurs de cinéma », rapportait une dépêche de
l’AFP – une dépêche de l’AFP pour un premier roman, il faut que ce soit un
phénomène ! D’ailleurs, les collections de poche se sont arraché le titre
avant même sa sortie, et c’est Folio qui l’a emporté. Le voici. « J’espère que nous tenons notre best-seller », écrivait l’attachée de presse dans un communiqué qui énumère toutes ces bonnes nouvelles
en y ajoutant, comme référence, le cinéma de Jean-Pierre Jeunet.
L’auteur, 52 ans, n’a pas débarqué en total inconnu dans la
maison d’édition, Au Diable Vauvert : il a été deux fois, en 2010 et 2012,
lauréat du Prix Hemingway, organisé par l’Association des Avocats du Diable
Vauvert. Ses origines vosgiennes ne semblaient cependant pas le destiner à
célébrer l’univers de la tauromachie, thème de ce prix. Toujours est-il que le
conte de fées semble avoir démarré – à grand renfort de promotion.
Sur quoi repose ce concert d’éloges ? Sur un livre
plaisant où s’installe un bel équilibre entre gravité et légèreté. Grâce à un
brin de fantaisie qui sert de lien à l’ensemble et donne le ton.
Guylain Vignolles, presque inévitablement, a été surnommé
Vilain Guignol dès l’enfance. A 36 ans, il a appris à se contenter de peu non
pour être heureux, il n’en demande pas tant, mais pour supporter de vivre. Un
poisson rouge égaie, un peu, son intérieur. Son travail est une tuerie, au sens
premier du mot autant que psychologiquement : il conduit une énorme
machine qu’il appelle la « Chose », une Zerstor 500 dont la fonction
est de pilonner des livres. Et accessoirement, par accident, d’emporter parfois
quelques morceaux de chair aux hommes qui ont été imprudents en ses flancs.
Guylain est un résistant discret : quand il le peut, il sauve des pages
qui ont échappé au broyage.
L’acte est interdit mais il le prolonge, le lendemain matin,
dans le RER qui le conduit au boulot : il y lit à haute voix, sans
commentaire, les fragments arrachés au désastre. Il règne autour de lui une
attention presque religieuse. On l’écoute, on l’attend, on l’espère. Encore
davantage quand, ayant ramassé une clé USB sur le sol du wagon, il y a trouvé
des fragments de texte dont la lecture remplace celle des livres détruits. Mais,
à présent, c’est lui qui attend et espère : il voudrait que la femme dont
il lit les travaux d’écriture soit un jour présente, pour la rencontrer.
C’est une comédie sentimentale charmante, conduite
avec finesse. Le lecteur l’accompagne d’autant plus volontiers qu’il en sait
davantage que Guylain sur la mystérieuse auteure de ces lignes. Il n’y a pas
là, certes, de quoi révolutionner la littérature. Et la rumeur qui a précédé la
sortie du livre était excessive. Mais ce qui est excessif n’est pas toujours
insignifiant.
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