Christophe Donner anime ses romans d’incendies symboliques
mais majestueux, qui les colorent d’or et de rouge. L’argent parié et souvent
perdu sur les champs de courses était au cœur d’A quoi jouent les hommes. C’est encore l’argent qui fait battre Quiconque exerce ce métier stupide mérite tout ce qui lui arrive, mais dans le milieu du cinéma qui ne manque pas non
plus de flambeurs.
La phrase qui donne son titre au livre est attribuée à un de
ces personnages hors normes qui ne manquent pas dans le paysage. Orson Welles,
membre du jury au Festival de Cannes en mai 1968, se trouve pris entre les deux
fronts de l’incendie : d’une part, conduits par Jean-Louis Bory, Jean-Luc
Godard, François Truffaut et quelques autres, les partisans d’une annulation du
Festival, au nom d’une révolution à laquelle, tout à coup, certains se
(re)prennent à croire ; d’autre part, Roman Polanski qui n’aime pas les
slogans lui rappelant l’atmosphère de son adolescence polonaise, soutenu par
Jean-Pierre Rassam qui a acheté la moitié du jury afin de faire donner la Palme
d’or à Milos Forman. Et Orson Welles, sommé par Rassam d’intervenir pour sauver
le Festival en même temps que son investissement, de lui répondre par cette
phrase énigmatique.
Ce n’est là qu’un bref moment dans un roman qui multiplie
les scènes spectaculaires. Et qui, surtout, met en scène des personnages
familiers : outre ceux qui ont déjà été cités, Claude Berri, Maurice
Pialat, Claude Chabrol, Gérard Lebovici et une bonne partie du cinéma français
des années soixante à quatre-vingt.
On assiste à une fantastique équipée vers Prague, lancée par
Jean-Pierre Rassam qui emprunte la Mercedes de Truffaut et place Claude Berri
au volant pour aller sauver les enfants de Milos Forman, victimes désignées,
pense-t-il, veut-il faire croire, de l’invasion de la Tchécoslovaquie.
On assiste à des fêtes démesurées. Non, on n’y assiste
pas : on y participe. Car, en prenant le peu connu du grand public
Jean-Pierre Rassam, avec ses délires et sa mégalomanie, comme moteur principal
de son roman, Christophe Donner lui donne une dimension cinématographique. Et
c’est du grand spectacle, à tous les niveaux. Des haines féroces montent les
réalisateurs contre les producteurs, les réalisateurs et les producteurs entre
eux. L’ambition folle de Rassam le conduit à sa perte. On joue beaucoup
d’argent, d’une manière pas si éloignée de celle qui motive les parieurs sur
les courses de chevaux. On perd souvent son argent, ce n’est pas une grande
surprise.
Mais c’est raconté avec un tel élan qu’il est aisé d’oublier la réalité des personnages, tout ce que nous savions déjà d’eux et à quoi se superpose la vision romanesque qu’en transmet Christophe Donner. Habité par son sujet, par les mouvements désordonnés de sa petite troupe, il a écrit un livre où tout est réussi, même le générique de fin.
Mais c’est raconté avec un tel élan qu’il est aisé d’oublier la réalité des personnages, tout ce que nous savions déjà d’eux et à quoi se superpose la vision romanesque qu’en transmet Christophe Donner. Habité par son sujet, par les mouvements désordonnés de sa petite troupe, il a écrit un livre où tout est réussi, même le générique de fin.
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