L'auteur de Watership Down n'aura survécu que quelques mois à la nouvelle traduction française, par Pierre Clinquart, de son livre le plus célèbre - son premier -, publiée chez Monsieur Toussaint Louverture en septembre, après avoir connu une première vie dans notre langue, déjà grâce au même traducteur, sous le titre Les garennes de Watership Down.
Richard Adams, né en 1920, n'avait publié ce roman qu'en 1972, inaugurant ainsi une oeuvre dont les autres titres sont moins connus - et d'ailleurs, sauf erreur, non disponibles en français.
J'avais lu la première version dans les années 70, je n'ai malheureusement pas eu le temps de lire la dernière. Pour comprendre ce que peut être le travail d'un traducteur reprenant son propre texte, je vous propose le début du roman, dans l'édition parue en 1976 chez Flammarion, puis dans l'édition actuelle. Vous jugerez...
(Traduction de Pierre Clinquart, 1976.)
La saison des primevères était passée. A la lisière du bois, là où le terrain découvert descendait vers une vieille clôture derrière laquelle se trouvait un fossé envahi de ronces, seules quelques taches d’un jaune décoloré subsistaient encore parmi les mercuriales et les racines des chênes. De l’autre côté de la clôture, le haut du pré était parsemé de terriers de lapins. Par endroits, l’herbe avait complètement disparu et partout traînaient des chapelets de crottes sèches entre lesquelles ne poussait que la jacobée. A cent mètres de là, au bas de la pente, le ru, large de trois pieds, disparaissait à demi sous le cresson, le populage et la véronique bleue des fontaines. La piste de charroi le franchissait sur un ponceau de briques et remontait l’autre versant jusqu’à la barrière à claire-voie ménagée dans la haie d’épines. Cette barrière donnait dans un chemin creux.
Le coucher de soleil de ce mois de mai empourprait les nuages ; il restait une demi-heure avant le crépuscule. La pente sèche était constellée de lapins. Les uns broutaient l’herbe rare autour de leurs terriers, d’autres s’aventuraient un peu plus bas, en quête de pissenlits, ou à la recherche d’un coucou oublié ; çà et là, assis bien droit sur une fourmilière, un guetteur surveillait les alentours, les oreilles dressées et le nez au vent. Mais un merle sifflait tranquillement à l’orée du bois : rien à craindre de ce côté-là. A l’opposé, le long du ruisseau, tout était clair, désert, silencieux. La paix régnait sur la garenne.
(Nouvelle traduction de Pierre Clinquart, 2016.)
La saison des primevères était passée. À l’orée du bois, là où les arbres laissaient place à une clairière en pente douce, seules quelques taches d’un jaune décoloré subsistaient encore parmi les mercuriales vénéneuses et les racines de chêne. Un peu plus bas, au-delà d’une vieille barrière et d’un fossé envahi de broussailles s’étendait un pré, percé çà et là de terriers de lapins. Par endroits, l’herbe avait complètement disparu, et partout traînaient des chapelets de crottes entre lesquels rien ne poussait hormis la jacobée. Plus loin encore, un maigre cours d’eau disparaissait presque sous le cresson et le populage des marais. Un chemin pour charrettes le franchissait d’un petit pont avant de remonter l’autre versant jusqu’à un portail à claire-voie ménagé dans une haie d’épines.
Le crépuscule n’allait pas tarder et le soleil couchant de ce mois de mai empourprait les nuages. La pente sèche était constellée de lapins. Les uns grignotaient les rares brins verts autour de leurs terriers, tandis que d’autres osaient s’éloigner un peu, en quête de pissenlits ou d’une primevère oubliée. Assis bien droit sur une fourmilière, un guetteur surveillait les alentours, les oreilles dressées et le nez alerte. Il n’y avait pourtant rien à craindre, un merle sifflait tranquillement à la lisière de la forêt. De l’autre côté, aux abords du ruisselet, tout était dégagé et silencieux. La paix régnait sur la garenne.
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