dimanche 5 février 2017

Le deuxième roman de Caroline De Mulder

Caroline De Mulder avait frappé les esprits avec son premier roman, Ego tango, couronné par le prix Rossel en 2010. On s’y était laissé entraîner par le vertige qui gagnait l’héroïne au rythme d’une écriture dansante – forcément dansante – et très tenue. Le tango, bien sûr… On avait donc attendu le deuxième roman, publié deux ans plus tard et aujourd’hui réédité au format de poche, avec un peu de crainte, tant la première barre avait été placée haut. Mais Caroline De Mulder prouvait décidément qu’elle a le tempérament d’une véritable écrivaine. Elle ne refuse pas l’obstacle. Elle le domine au contraire avec une élégance à laquelle il faudra s’habituer, un mélange de force rageuse et d’impressionnante souplesse. Retour gagnant, donc, avec Nous les bêtes traquées.
C’est une femme, encore, qui raconte. Marie ne danse pas mais se débat entre attirance et répulsion pour Max, l’homme qui l’a tirée du trou où elle se trouvait pour l’entraîner dans une impasse. Max est un homme assez agité, voire fébrile. Il a peut-être des raisons de l’être, car cet avocat s’attaque à des intérêts auprès desquels sa vie ne pèse pas lourd. Il craint donc en permanence d’être empoisonné et jette sans cesse de la nourriture. Une sorte de garde du corps le protège, à moins qu’il ait été placé là pour le surveiller. Les menaces sont imprécises mais rôdent autour du couple formé presque par hasard, et au moins par raccroc.
Il y a du thriller dans la trame du roman. Mais la piste de l’intrigue est masquée par une accumulation de détails qui finissent par prendre plus d’importance que le fil conducteur. C’est à travers ces détails que nous percevons le désarroi de Marie, les certitudes de Max, leur dérive commune – qui les entraîne sur des chemins divergents. En filigrane, Caroline De Mulder joue avec les enjeux réellement en cause dans certaines actions humanitaires détournées de leur sens. Et c’est de la même manière, en filigrane, qu’elle joue avec les aspects narratifs du texte, si bien que celui-ci épouse parfaitement la forme de son sujet fuyant, caché. Sa capacité à trouver la meilleure manière de construire un récit et de lui donner de la chair à travers les mots était une des grandes qualités d’Ego tango. Il fallait en trouver l’équivalent dans un autre monde. C’est fait aussi, dans une totale maîtrise qui fait adhérer sans réserves à Nous les bêtes traquées, avec la certitude rassurante qu’il y avait là, dès ces deux premiers romans, le début d’une œuvre riche d’immenses possibilités. On ne s’est pas trompé puisqu’elle a, depuis, largement confirmé les espoirs qu’on plaçait dans son œuvre naissante.

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