L’œuvre de l’écrivain canadien Mordecai Richler est-elle sur
le point de trouver enfin sa place chez les lecteurs francophones
d’Europe ? Solomon Gursky,
ample fresque économique, juive et familiale, reparaît au format de poche (traduction par Lori Saint-Martin et Paul Gagné). Et L’apprentissage
de Duddy Kravitz, disponible au Canada depuis quelque temps, dans une
nouvelle traduction, est arrivé en France aussi (Editions du Sous-sol).
On peut se contenter, déjà, du gros morceau que
constitue Solomon Gursky, projet voué
probablement à l’échec d’une biographie que Moses Berger veut consacrer à un
personnage dont le mystère l’obsède. Solomon, héritier d’une famille enrichie
d’abord grâce au trafic d’alcool pendant la prohibition, est mort dans un
accident d’avion. Ou non. Car son propre passé et celui de ses ancêtres ont
prouvé que les Gursky étaient capables de survivre aux conditions les plus
extrêmes.
On a reparlé, il n'y a pas si longtemps, de l’expédition Franklin partie en 1845 à
la recherche du passage du Nord-Ouest, perdue corps et biens et aux derniers
moments de laquelle régna le cannibalisme. Moses Berger collectionne les
informations sur l’expédition et sur cette région du Canada, puisque c’est là
que commence la saga des Gursky. Avec un charlatan d’évangéliste, la judaïté
menant à tout à condition d’avoir les mots pour prêcher et pêcher les femmes.
Beaux parleurs, tous les Gursky le seront, dans des registres divers entre
l’autorité et la séduction.
Dans un roman à plusieurs niveaux de narration, où les liens
entre les nombreux personnages se nourrissent souvent d’ambiguïté, on traverse
les époques dans le désordre. Mais on ne s’y perd qu’à bon escient, selon le
dessein de Mordecai Richler : il pose les fragments selon sa logique
personnelle, et avec le souci constant de compléter, petit à petit, un tableau
édifiant – si le mot « édifiant » est compris avec un sens ironique.
Solomon Gursky est une symphonie interprétée par un orchestre dont certains instruments sont désaccordés. Les notes grinçantes appartiennent pourtant à l’ensemble et lui apportent des contrepoints qui nous obligent parfois à reconsidérer des certitudes acquises dans les pages précédentes. On se lance, avec ce roman, dans l’exploration des ambitions personnelles, des trahisons, des traditions. Et de leurs articulations douloureuses. C’est passionnant.
Solomon Gursky est une symphonie interprétée par un orchestre dont certains instruments sont désaccordés. Les notes grinçantes appartiennent pourtant à l’ensemble et lui apportent des contrepoints qui nous obligent parfois à reconsidérer des certitudes acquises dans les pages précédentes. On se lance, avec ce roman, dans l’exploration des ambitions personnelles, des trahisons, des traditions. Et de leurs articulations douloureuses. C’est passionnant.
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