Il ne commence à pleuvoir vraiment, « sans discontinuer », qu’aux trois quarts du livre. Crue, roman de Philippe Forest paru en
2016 et réédité ces jours-ci au format de poche, raconte bien un déluge,
annoncé plus tôt. Mais il ne se limite pas à décrire les effets dévastateurs,
et tragiquement beaux, de l’eau envahissant la ville où s’est installé le
narrateur. De cette ville, nous ne saurons pas grand-chose : il y a vécu
longtemps, l’avait quittée, y est revenu, et elle est « l’une des plus grandes et vieilles villes d’Europe ».
Laquelle ? Peu importe, à chacun de l’imaginer. « Ce que je vais en dire vaudrait aussi bien pour n’importe
laquelle. » De la même manière, le narrateur ne se considère pas comme
un personnage privilégié de cette histoire qui fut vécue par beaucoup d’autres.
Mais il a eu, lors de conversations avec son voisin de
palier, avant la pluie, de longues conversations nocturnes arrosées de whisky,
au cours desquelles revenait le mot « épidémie ». De leurs échanges,
et surtout dans les propos du voisin qui se disait écrivain, se dégageait une
tentative pour mettre du sens sur tout ce qui arrivait à la ville, et peut-être
aussi au pays, au monde. Le signe le plus évident d’une catastrophe annoncée
aurait été la disparition de nombreuses personnes, comme une épidémie,
précisément. Il fallait accepter, disait le voisin, la vérité « crue », et son insistance
sur le mot est une manière de justifier le titre du roman.
Celui-ci s’échafaude autour d’un effondrement général. Il y
a eu, pour le narrateur, la mort d’un enfant, c’était il y a longtemps mais le
vide est encore là. Puis la mort de la mère. Ensuite la disparition du chat.
L’incendie d’un immeuble proche a sorti le personnage principal de son
isolement par une double rencontre dont l’une a déjà été évoquée et l’autre,
d’une femme pianiste, débouche sur une brève liaison avant la catastrophe.
Tout cela est empli de doutes sur la façon de raconter les
choses qui sont arrivées, sur la provenance des informations dont certaines ont
peut-être été imaginées, à moins que la voix du texte ne soit pas vraiment
celle qu’on croit. Cette voix, en tout cas, tient la distance de phrases
souvent longues et superbement balancées.
En même temps que cette réédition sort le nouveau roman de Philippe Forest, L’oubli : « Un homme se réveille, convaincu d’avoir égaré un mot dans son sommeil, incapable de se le rappeler. Une idée s’insinue dans son esprit et prend bientôt l’allure d’une obsession : son langage se défait, sa vie se vide à mesure que les souvenirs se détachent de lui. Un homme – peut-être le même, peut-être un autre – observe l’océan depuis sa fenêtre. Une brume perpétuelle recouvre l’horizon, au loin il s’imagine distinguer une forme qui lui fait signe et qui l’appelle. L’histoire se dédouble – à moins qu’il ne s’agisse de deux histoires différentes dont demeure mystérieux le lien qui les unit. Tandis que les mots et la mémoire s’abîment dans un même précipice, l’univers recouvre amoureusement l’apparence splendide indispensable pour chacun au recommencement de l’existence. »
En même temps que cette réédition sort le nouveau roman de Philippe Forest, L’oubli : « Un homme se réveille, convaincu d’avoir égaré un mot dans son sommeil, incapable de se le rappeler. Une idée s’insinue dans son esprit et prend bientôt l’allure d’une obsession : son langage se défait, sa vie se vide à mesure que les souvenirs se détachent de lui. Un homme – peut-être le même, peut-être un autre – observe l’océan depuis sa fenêtre. Une brume perpétuelle recouvre l’horizon, au loin il s’imagine distinguer une forme qui lui fait signe et qui l’appelle. L’histoire se dédouble – à moins qu’il ne s’agisse de deux histoires différentes dont demeure mystérieux le lien qui les unit. Tandis que les mots et la mémoire s’abîment dans un même précipice, l’univers recouvre amoureusement l’apparence splendide indispensable pour chacun au recommencement de l’existence. »
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