Tous les torrents ne charrient pas une eau claire. Celui qui
coule avec fureur dans Les yeux rouges,
le deuxième roman de Myriam Leroy, transporte un paquet de saloperies devant
lesquelles la narratrice bat en retraite faute de trouver les armes qui lui
permettraient de résister.
Elle, qui fait penser à l’autrice (mais, puisqu’il s’agit d’un
roman, on n’ira pas plus loin dans le rapprochement), est envahie par l’admiration
d’un fan, Denis. Il apprécie la personnalité profonde, ou ce qu’il en devine,
de celle qui raconte. Elle se garde bien d’encourager tout rapprochement avec
celui qui devient très vite un importun. Faites-vous un « ami » sur
les réseaux sociaux, et le voilà qui déborde, alimente une logorrhée dont les
aspects sympathiques (bon, il est toujours agréable d’être admirée, n’est-ce
pas ?) s’efface derrière des demandes qu’on n’a aucune envie de satisfaire :
une rencontre ? un café ?
« Ciao » semble le bon mot pour faire comprendre
poliment qu’il n’en est pas question,
que, non merci, on n’ira pas plus loin, et surtout évitons les points de
suspension dont l’interprétation reste ouverte : « Jamais de « bonne nuit.. » ou de « au plaisir… »,
car de manière infaillible ils portaient l’interlocuteur à y percevoir des connotants
érotiques. »
Avec Denis, rien à faire pour poliment briser là. Il s’accroche
comme un parasite à l’organisme qui le nourrit. De con, passe à sale con sans
effort apparent – c’est dans sa nature, comme sa « pensée » politique
à droite de la droite, de manière presque caricaturale.
Dans l’entourage de la harcelée, qui vit très mal ce qui lui
arrive, et même au plus près d’elle, personne ne semble vraiment la comprendre.
Ses réactions ne sont-elles pas excessives ? N’encourage-t-elle pas, à sa
façon, la hargne de Denis (dont l’admiration manifestée au début n’a pas tardé
à disparaître) ? Au fond, n’y aurait-il pas du vrai dans les critiques de
Denis ?
Le lecteur des Yeux rouges n’est pas meilleur que les
proches de la narratrice. A force de lire ses malheurs, à n’entendre que sa
voix, il finit par se demander lui aussi pourquoi il est nécessaire d’en faire
autant. Il a beau compatir, car les conséquences de ce harcèlement sont
lourdes, il se dit tout bas (sans oser l’affirmer en public, car il est un peu
honteux de le penser) que cela ne méritait pas près de deux cents pages – ni de
doubler la mise avec l’enchâssement, dans le déroulement général du roman, d’une
« nouvelle » ni faite ni à faire.
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