lundi 19 août 2019

Myriam Leroy dans le piège des réseaux sociaux

Tous les torrents ne charrient pas une eau claire. Celui qui coule avec fureur dans Les yeux rouges, le deuxième roman de Myriam Leroy, transporte un paquet de saloperies devant lesquelles la narratrice bat en retraite faute de trouver les armes qui lui permettraient de résister.
Elle, qui fait penser à l’autrice (mais, puisqu’il s’agit d’un roman, on n’ira pas plus loin dans le rapprochement), est envahie par l’admiration d’un fan, Denis. Il apprécie la personnalité profonde, ou ce qu’il en devine, de celle qui raconte. Elle se garde bien d’encourager tout rapprochement avec celui qui devient très vite un importun. Faites-vous un « ami » sur les réseaux sociaux, et le voilà qui déborde, alimente une logorrhée dont les aspects sympathiques (bon, il est toujours agréable d’être admirée, n’est-ce pas ?) s’efface derrière des demandes qu’on n’a aucune envie de satisfaire : une rencontre ? un café ?
« Ciao » semble le bon mot pour faire comprendre poliment qu’il n’en  est pas question, que, non merci, on n’ira pas plus loin, et surtout évitons les points de suspension dont l’interprétation reste ouverte : « Jamais de « bonne nuit.. » ou de « au plaisir… », car de manière infaillible ils portaient l’interlocuteur à y percevoir des connotants érotiques. »
Avec Denis, rien à faire pour poliment briser là. Il s’accroche comme un parasite à l’organisme qui le nourrit. De con, passe à sale con sans effort apparent – c’est dans sa nature, comme sa « pensée » politique à droite de la droite, de manière presque caricaturale.
Dans l’entourage de la harcelée, qui vit très mal ce qui lui arrive, et même au plus près d’elle, personne ne semble vraiment la comprendre. Ses réactions ne sont-elles pas excessives ? N’encourage-t-elle pas, à sa façon, la hargne de Denis (dont l’admiration manifestée au début n’a pas tardé à disparaître) ? Au fond, n’y aurait-il pas du vrai dans les critiques de Denis ?
Le lecteur des Yeux rouges n’est pas meilleur que les proches de la narratrice. A force de lire ses malheurs, à n’entendre que sa voix, il finit par se demander lui aussi pourquoi il est nécessaire d’en faire autant. Il a beau compatir, car les conséquences de ce harcèlement sont lourdes, il se dit tout bas (sans oser l’affirmer en public, car il est un peu honteux de le penser) que cela ne méritait pas près de deux cents pages – ni de doubler la mise avec l’enchâssement, dans le déroulement général du roman, d’une « nouvelle » ni faite ni à faire.

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