jeudi 31 octobre 2019

Prix littéraires : rien ne va plus, faites vos jeux !

Plus prudent que Lucie Cauwe, j’ai attendu les dernières sélections pour établir mes pronostics et lancer des affirmations sans preuves, nuancées de quelques doutes qui m’offriront opportunément des positions de repli…
Le Grand Prix du roman de l’Académie française sera attribué ce jeudi, dans l’après-midi. Ce qui aurait offert aux journalistes littéraires travaillant pour des journaux ne paraissant pas le 1er novembre tout le temps nécessaire à la réflexion si, l’époque ayant changé, il ne fallait maintenant réagir au quart de tour pour la version en ligne des mêmes journaux.
Donc, je me précipiterai, comme d’autres, pour saluer l’audace de l’Académie française qui aura couronné Jour de courage, de Brigitte Giraud (Flammarion), le seul roman de la sélection qui assume à la fois son sujet et sa forme, sans être aussi bouleversant qu’il le voudrait. Mais, l’audace n’étant pas la caractéristique la plus répandue à l’Académie française, celle-ci risque d’en afficher une fausse avec L’île du dernier homme (Albin Michel), de Bruno de Cessole. Cela parle de terrorisme, c’est dans l’air du temps, mais ce n’est qu’à moitié réussi. Quant à Civizations (Grasset), de Laurent Binet, comme il est plus qu’à moitié raté, je ne m’y attarderai pas.
Après ce premier acte, à moins qu’il s’agisse d’un prologue, la journée de lundi va retenir l’attention des éditeurs, des imprimeurs, des commentateurs et même de quelques écrivains et écrivaines – celles et ceux dont les noms se trouvent encore sur les listes du Goncourt et du Renaudot.
Le Goncourt devrait aller, mais n’ira pas, à Jean-Paul Dubois dont j’ai adoré le roman, Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon (L’Olivier). Car Amélie Nothomb, j’ai déjà expliqué pourquoi, sera la lauréate, cent ans après Marcel Proust, pour Soif (Albin Michel). Jean-Luc Coatalem (La part du fils, Stock) et Olivier Rolin (Extérieur monde, Gallimard) n’ont aucune chance, sauf si, cela s’est déjà vu, aucun des deux livres favoris ne parvenant à la majorité, des votes se reportaient sur l’un des deux autres. Hypothèse peu vraisemblable néanmoins.
Au Renaudot, je vais faire un choix de copinage, car je serais « trop » content si Abdourahman A. Waberi recevait le prix avec son élégant Pourquoi tu danses quand tu marches ? (Lattès), mais l’affection que j’ai pour lui ne m’empêche pas de mesurer la faiblesse de sa position stratégique par rapport aux quatre autres ouvrages. Parmi lesquels, d’ailleurs, je suis bien en peine de distinguer un véritable premier choix tel que l’entendrait le jury. Peut-être le roman de Jean-Luc Coatalem, La part du fils (Stock), bénéficie-t-il d’un léger avantage. Quoique, si l’on procède par élimination, il devrait s’imposer. Comme Waberi, Jean-Noël Orengo n’a pas écrit son meilleur livre avec Les jungles rouges (Grasset). La Maison (Flammarion), d’Emma Becker, est un ouvrage assez déplaisant par certains aspects. Et Le bal des folles (Albin Michel), le premier roman de Victoria Mas, n’est pas tout à fait aussi réussi qu’on le clame un peu partout.
Mardi, le Femina entre en piste. Si les seules vertus littéraires étaient prises en compte, il y aurait un lauréat évident, Alexis Ragougneau avec Opus 77 (Viviane Hamy) – je dois néanmoins préciser que je n’ai pas lu le roman de Luc Lang, La tentation (Stock). Tous des autres ont davantage de qualités que de défauts – cette sélection est une des plus belles de la saison – et il ne dépend donc que de la personnalité des lectrices du jury de parvenir à imposer un autre nom. La sensibilité de Dominique Barbéris (Un dimanche à Ville-d’Avray, Arléa), la puissance évocatrice de Michaël Ferrier (Scrabble, Mercure de France, qui mériterait bien un spécial copinage aussi), le charme fou de Sylvain Prudhomme (Par les routes, L’Arbalète-Gallimard) ou la violence de Monica Sabolo (Eden, Gallimard) ont des arguments.
Comme je n’ai pas lu assez des titres sélectionnés pour le Prix Décembre (jeudi), je passe mon tour. Mais je ne serais pas triste si Sofia Aouine l’obtenait avec Rhapsodie des oubliés (La Martinière), un beau roman habité par une langue rebelle.
Vendredi, le(s) Médicis ne m’ont pas facilité la tâche en zappant l’étape (pourtant tacitement contractuelle, si j’ose dire) de la dernière sélection. Malgré l’abondance de biens, je décide que Santiago H. Amigorena recevra le prix du roman français pour Le ghetto intérieur (P.O.L.).
Et les essais, et les romans étrangers, me direz-vous ? Il me manque trop de lectures, surtout côté essais, mais je veux bien me mouiller côté étranger. Dommage que je n’ai pas d’espions dans la place, car ils sont très probablement déjà attribués…
Le Femina pour Girl (traduit par Aude de Saint-Loup et Pierre-Emmanuel Dauzat, Sabine Wespieser), d’Edna O’Brien et le Médicis à Ordesa (traduit par Isabelle Gugnon, Sous-Sol), ça vous va ?
Si les résultats ne sont pas conformes aux prévisions ou ne rejoignent pas vos goûts, les réclamations sont à faire auprès des jurys eux-mêmes. Non, pas ici, car je n’y suis pour rien.

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