jeudi 9 juillet 2020

Abir Mukherjee, Prix Le Point du Polar européen

Le capitaine Sam Wyndham a traversé le pire de la Grande Guerre, a vu mourir autour de lui la plupart de ses camarades. Son demi-frère a disparu à Cambrai. La grippe espagnole a emporté sa femme. Plus rien ne le retient en Angleterre, même pas son poste à Scotland Yard, qui devient même un atout en faveur de sa nomination à Calcutta. Il prend ses fonctions dans la police impériale en 1919. Il y retrouve les compatriotes d’hommes qu’il a vu combattre et périr en braves à Ypres en 1915. Dans un contexte très différent : « Aujourd’hui, ici à Calcutta, la façon dont nous traitons leurs semblables dans leur propre pays me trouble. »
Un policier « indigène » est son adjoint. Banerjee est allé en pension et à l’université en Angleterre. Son choix d’entrer dans la police, au service des Britanniques, n’est pas apprécié par son père qui soutient la lutte pour l’indépendance. Mais le jeune homme a réfléchi à la question et il a des arguments à faire valoir quand Wyndham, désireux de comprendre, l’interroge à ce sujet : « Je crois qu’un jour nous pourrons effectivement obtenir notre indépendance. […] Si vous partez, monsieur, nous aurons besoin de compétences pour occuper les postes que vous laisserez vacants. C’est aussi valable pour faire respecter la loi que pour le reste. »
Wyndham est plein de bonne volonté. Les préjugés raciaux des colons ne l’encombrent pas. Ceux qui résident en Inde depuis des années et qui, bien entendu, croient y avoir tout compris, le prennent pour un naïf que le temps ramènera au bon sens. « Je crois comprendre que vous êtes nouveau à Calcutta », lui dit-on souvent, dans des formulations diverses. Une manière assez sèche de le renvoyer à son inexpérience du pays.
D’ailleurs, puisqu’il y a quand même une affaire criminelle dans L’attaque du Calcutta-Darjeeling, d’Abir Mukherjee (traduit de l’anglais par Fanchita Gonzalez Battle), seul ou presque, Wyndham doute de la culpabilité d’un opposant aux Britanniques dans le meurtre d’un haut fonctionnaire. Ce coupable arrange tout le monde, pourquoi chercher plus loin ? Il prétend avoir été gagné à la non-violence prônée par Gandhi ? Un pur mensonge, bien sûr !
Mais le Britannique a été assassiné près d’un bordel, l’attaque d’un train qui suivi n’a peut-être aucun rapport avec les actes supposés du révolutionnaire indien, et Wyndham, avec l’aide précieuse bien que parfois ironique de Banerjee, n’entend pas se contenter de fausses évidences. Ce qui met encore davantage en lumière le propos essentiel du romancier : démontrer brillamment l’injustice qui préside à la domination britannique.

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