Le capitaine Sam Wyndham a traversé le pire de la Grande
Guerre, a vu mourir autour de lui la plupart de ses camarades. Son demi-frère a
disparu à Cambrai. La grippe espagnole a emporté sa femme. Plus rien ne le
retient en Angleterre, même pas son poste à Scotland Yard, qui devient même un
atout en faveur de sa nomination à Calcutta. Il prend ses fonctions dans la
police impériale en 1919. Il y retrouve les compatriotes d’hommes qu’il a vu
combattre et périr en braves à Ypres en 1915. Dans un contexte très
différent : « Aujourd’hui, ici à Calcutta, la façon dont nous
traitons leurs semblables dans leur propre pays me trouble. »
Un policier « indigène » est son adjoint. Banerjee
est allé en pension et à l’université en Angleterre. Son choix d’entrer dans la
police, au service des Britanniques, n’est pas apprécié par son père qui
soutient la lutte pour l’indépendance. Mais le jeune homme a réfléchi à la
question et il a des arguments à faire valoir quand Wyndham, désireux de
comprendre, l’interroge à ce sujet : « Je crois qu’un jour nous
pourrons effectivement obtenir notre indépendance. […] Si vous partez,
monsieur, nous aurons besoin de compétences pour occuper les postes que vous
laisserez vacants. C’est aussi valable pour faire respecter la loi que pour le
reste. »
Wyndham est plein de bonne volonté. Les préjugés raciaux des
colons ne l’encombrent pas. Ceux qui résident en Inde depuis des années et qui,
bien entendu, croient y avoir tout compris, le prennent pour un naïf que le
temps ramènera au bon sens. « Je crois comprendre que vous êtes nouveau à
Calcutta », lui dit-on souvent, dans des formulations diverses. Une
manière assez sèche de le renvoyer à son inexpérience du pays.
D’ailleurs, puisqu’il y a quand même une affaire criminelle
dans L’attaque du Calcutta-Darjeeling,
d’Abir Mukherjee (traduit de l’anglais par Fanchita Gonzalez Battle), seul ou presque, Wyndham doute de la culpabilité d’un
opposant aux Britanniques dans le meurtre d’un haut fonctionnaire. Ce coupable
arrange tout le monde, pourquoi chercher plus loin ? Il prétend avoir été
gagné à la non-violence prônée par Gandhi ? Un pur mensonge, bien
sûr !
Mais le Britannique a été
assassiné près d’un bordel, l’attaque d’un train qui suivi n’a peut-être aucun
rapport avec les actes supposés du révolutionnaire indien, et Wyndham, avec
l’aide précieuse bien que parfois ironique de Banerjee, n’entend pas se
contenter de fausses évidences. Ce qui met encore davantage en lumière le
propos essentiel du romancier : démontrer brillamment l’injustice qui
préside à la domination britannique.
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