Pour les lectrices et lecteurs lents, le timing est parfait: le nouveau roman de Marc Levy est paru jeudi, le prochain de Guillaume Musso (son concurrent ou son complément, c'est selon) n'est pas attendu avant le 22 mars. Voilà qui laisse le temps nécessaire à la dégustation, à l'infusion et même aux prolongations si l'on veut.
Je veux bien reconnaître qu'il était temps, un mois après, de passer à autre chose qu'à Soumission, de Michel Houellebecq, dont je n'ai pas eu le courage de vous parler - vous vous souvenez peut-être qu'il s'est passé autre chose le jour de sa sortie. Courageux et professionnel, j'ai donc lu Elle et lui (ce ne sont pas deux magazines, ça?), et pas seulement la page 99 ainsi que le font certains pour bâcler le travail. De la page de titre à l'achevé d'imprimer, au cas où il y aurait eu une plage cachée, comme sur certains disques dont on n'atteint le terme qu'après un long moment de silence.
Vous souvenez-vous de l'an 2000? On avait franchi le cap du bug du millénaire, les tours du World Trade Center étaient toujours debout et ne semblaient menacées en rien, les discussions les plus acharnées voyaient se déchirer les meilleurs amis du monde pour savoir si l'on était déjà, ou non, dans le XXIe siècle. Et Marc Levy sortait son premier roman, Et si c'était vrai... Un invraisemblable conte de fées, dont on allait retrouver les principaux protagonistes, pour les lecteurs fidèles du moins, cinq ans plus tard dans Vous revoir. Et devinez qui revient frapper chez vous par l'intermédiaire de votre libraire préféré ou de votre grande surface abhorrée (depuis que vous avez lu Annie Ernaux)? Les mêmes, ou à peu près, parce qu'on ne lâche pas des personnages auxquels on s'attache, n'est-ce pas?
Marc Levy aime ses personnages, il ne s'en cache pas, chaque page le prouve. En particulier Paul, cet architecte américain devenu écrivain dans l'intervalle plus long que le romancier nous a laissé pour avoir le temps de réfléchir au destin, à ses caprices et à la manière de les mettre en scène.
Le premier roman de Paul a très bien marché, surtout dans un espace géographique restreint: dans les jours qui suivent sa publication, il ne cesse de rencontrer des gens qui le lisent, qui l'ont lu, qui l'ont à la main, bref, il est partout et n'en peut plus de voir son intimité, ou plutôt celle de ses meilleurs amis, puisqu'il avait raconté leur histoire, sous les yeux de tout le monde et n'importe qui.
Donc, Paul s'est exilé. Je ne vous ai pas dit qu'il habitait San Francisco? Bon, ce n'est pas grave puisqu'il est maintenant installé à Paris dont les charmes lui paraissaient, de loin, inépuisables, et qu'il continue à écrire. Avec un succès très relatif, sauf en Corée du Sud où chacun de ses romans est un best-seller pour des raisons incompréhensibles, au moins jusqu'au voyage qu'il fera là-bas.
Le texte est émaillé de pensées fortes, en particulier du côté de Mia, une actrice britannique en rupture d'amour qui trouve, même si elle ne raconte à peu près que des mensonges, une oreille attentive chez cet Américain de Paris.
Quelque chose en elle était en train de changer, elle aimait cette voix intérieure qui la poussait à s'affirmer.
Relisez lentement: le moment est essentiel pour la compréhension de la psychologie du personnage. Parce que, entre Paul et Mia, les meilleurs amis du monde et rien que des amis, la situation va se modifier et il est nécessaire de gravir chaque marche de leur évolution séparée et commune (oui, oui) jusqu'à l'acmé de leur relation:
À l'étreinte furieuse se mêlaient aussi leurs souffles exaltés, jusqu'à ce que les forces leur manquent et qu'ils s'endorment dans la moiteur des draps.
Ce n'est pas beau, ça? Même si, reconnaissez-le, vous vous doutiez qu'il fallait en passer par là.
C'est bientôt fini? Oui. Malgré un retournement spectaculaire, après le voyage coréen, dans la carrière d'écrivain de Paul. Poussé par l'irrépressible volonté d'ôter le masque derrière lequel il ignorait qu'il était caché (vous ne voyez pas ce que je veux dire? normal, vous n'avez pas encore lu), il écrit un livre d'un tout autre genre qui lui vaut enfin la reconnaissance d'un prix littéraire, le Médicis étranger.
Et si c'était vrai que Marc Levy allait écrire, dès la prochaine fois, d'une manière totalement différente?
Je m'égare. restons-en là.
Tu en as du courage Pierre !
RépondreSupprimerN'est-il pas?
RépondreSupprimerIl est, il est, en effet ! Je me demande si vous aurez le même courage dans 5 semaines pour recommencer avec le Musso Nouveau ? Si vous craquez et que vous baissez les bras devant l'inanité de la tâche, nous ne vous en tiendrons pas rigueur !
SupprimerMerci d'accepter par avance une possible défaillance...
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