Je ne sais ce qui frappe le plus dans cette histoire :
l’homme de Detroit qui marche 33 kilomètres par jour pour aller à son
travail et en revenir, ou les 160 000 dollars et des poussières qu’un
étudiant a levés, comme on dit, pour simplifier la vie de James Robertson.
Avec, je suppose, dans la tête des donateurs, le sentiment de faire une belle
action. Ce qui n’est pas faux.
Walter Benjamin cité par Yannick Haenel en épigraphe des Renards pâles (Folio) :
« Vaincre le capitalisme par la marche à pied. » Une phrase que
l’écrivain – Yannick Haenel – se récitait « en souriant », début
2010, plus de trois ans avant la sortie d’un roman qui a donc longuement
piétiné. Ce qui n’est pas un défaut.
Chômeur et marcheur, la rime n’est pas très riche mais elle
a séduit Daniel Gachet, adjoint au maire de Luçon (France). Qui ne comprend pas
pourquoi il faudrait renforcer les transports en commun en direction des
bureaux de Pôle Emploi qui se trouvent en périphérie de la ville. « Les
chômeurs n’ont qu’à marcher, ils n’ont que ça à faire », a-t-il dit, sans
penser non plus au courage qui manque au retour après un entretien sans
résultat.
Ligne 11. Dans la numérotation plutôt anarchique des
lignes de transport en commun dans la capitale malgache, cette ligne n’existe
pas. Pourtant, elle est, à elle seule, plus fréquentée que toutes les
autres : une enquête estime à quatre sur dix le nombre de ménages qui
l’empruntent, le succès global des taxis-be, comme on les appelle, étant un peu
moindre. Mais alors, c’est quoi, cette ligne 11 ? La marche – la
« marche à pied », précise le sondage pour qu’il n’y ait aucune
confusion.
Antoine Boute, dans S’enfonçant,spéculer (Onlit Books), qu’il aurait pu intituler La possibilité d’un polar (gore), montre son personnage d’écrivain
happé par une jeune femme qui l’entraîne à travers bois vers une mystérieuse
demeure. Ils sont à pied, et cela dure. « La
longueur de la marche les fait entrer, comme tous les marcheurs le savent, dans
une transe légère. »
Marcher. Le geste est fascinant. Balzac, qui s'intéressait à tout, l'a observé de près. C'est la Théorie de la démarche, premier titre de la Bibliothèque marcheuse, collection sans frontières de la Bibliothèque malgache.
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