jeudi 18 août 2016

Jean-Marie Blas de Roblès descend de Jules Verne

L’aventure. Non : l’Aventure. C’est le programme, simple mais alléchant, de Jean-Marie Blas de Roblès dans L’île du point Némo, un épais roman qui tient toutes ses promesses, et même un peu mieux que cela. On croit d’abord à un roman historique plein de fureur et de poussière, mais le champ de bataille où combattent Alexandre et Darius est reconstitué en soldats de plomb sur le parquet chez Martial Canterel. Puissance de l’imagination déployée d’emblée pour un envol majestueux vers des horizons insoupçonnés…
Intelligent en diable, le romancier puise à des sources multiples, dont certaines sont immédiatement identifiables et d’autres moins visibles, pour conduire un attelage fou sur une planète où les déchets de plastique se concentrent en un lieu unique au milieu des océans. Et tant pis ou tant mieux si c’est une métaphore puisqu’elle permet de retrouver le Nautilus du capitaine Nemo ainsi que d’autres héros de fiction transposés dans une époque proche de la nôtre.
Jean-Marie Blas de Roblès joue de tous les codes, populaires ou savants, fait courir devant lui une troupe sans cesse croissante de personnages, insère en guise de respiration quelques « Derniers télégrammes de la nuit » à couper le souffle – ce qui n’est peut-être pas la meilleure manière de reprendre sa respiration. Certes, mais comment freiner le déferlement d’événements improbables et pourtant reliés entre eux par la logique souterraine du roman ?
Des raccourcis saisissants font l’économie d’épisodes dont on aime à penser qu’ils nous auraient eux aussi réjoui : « Comment nos amis se retrouvèrent indemnes sur le rivage de Melville Island, au nord du continent australien, et par quels expédients ils réussirent à continuer leur voyage jusqu’à destination, c’est ce que nous nous permettrons d’omettre pour ne pas rallonger inutilement notre récit. » D’abrupts renversements de point de vue nous transportent dans les fabriques de tabac des Caraïbes où Le comte de Monte-Cristo est la Bible des cigarières, ou dans d’authentiques batailles comme celle qui voit nos héros (parmi lesquels Holmes) subir un bombardement de rhinocéros blancs et d’autres fauves alors que le train dans lequel ils traversaient la steppe russe est immobilisé.
Après quelques pages, on ne sait déjà plus où donner de la tête mais on s’accroche en espérant arriver à suivre. Quelques dizaines de pages plus loin, on voudrait décrocher qu’on en est devenu incapable. Il y a tant de vies ici, plus exaltantes les unes que les autres, qu’on a envie de les vivre toutes.

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