Super Mama Djombo est un groupe de Guinée-Bissau dont les grandes
heures de gloire remontent à la fin des années 70. Les membres de la formation
originelle ont connu des destins divers, deux sont morts, plusieurs sont
installés à l’étranger – dont deux à Bruxelles. Il est bon de savoir que
Sylvain Prudhomme s’est inspiré de la réalité dans Les grands. La piste musicale n’est pas sans intérêt. On pourrait
cependant la négliger : le roman tient aussi très bien tout seul, en
l’absence de ces références.
Couto, placé au centre du récit, est d’ailleurs un membre
imaginaire du groupe. (Et probablement ne porte-t-il pas par hasard le nom d’un
grand écrivain africain lusophone.) Il apprend, on est dans la fiction, la mort
de Dulce, son ancienne compagne et chanteuse du groupe avant d’épouser un
général qui est l’homme fort d’un coup d’Etat en préparation. Le même soir,
Super Mama Djombo doit donner un concert. On l’annule en mémoire de Dulce ou,
au contraire, on donne le meilleur en son hommage ? Ce sera au moment où,
toute la ville bruisse de cette rumeur persistante, le général lancera ses
hommes armés pour prendre le pouvoir et rompre le cercle vertueux des élections
en cours…
Toute la journée, Couto traîne sa misère, ses souvenirs et
ses questions. La ville apprend la mort de Dulce, ceux qu’il rencontre ne lui
parlent que de cela, même un groupe de jeunes rappeurs qui se produit aussi le
soir. Les craintes liées à l’agitation à venir se dissolvent dans l’alcool. Le
corps d’Esperança, sa jeune compagne d’aujourd’hui, diffuse du plaisir. Mais
Couto est égaré entre le passé et le présent, le succès populaire de chansons
qui ont accompagné les soubresauts de son pays et ce soir encore, comme si la
vie, l’amour, la politique n’étaient que recommencements.
Empli de présences fortes et de débats avortés, le roman de
Sylvain Prudhomme se tient prudemment à l’écart de tout exotisme et nous
transporte, par la magie de son écriture, en un lieu où l’on vit, chante et
meurt.
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