David Foenkinos a le goût des personnages posés à côté
d’eux-mêmes, passant leur temps à s’observer tout en guettant les réactions de
leur entourage. Parfois, il donne l’impression de tourner à vide, dans une
tentative un peu vaine de construire un roman qui s’effiloche au fur et à
mesure de la lecture. Mais il arrive au contraire que les ingrédients se lient
pour faire une sauce très correcte. C’est le cas dans La tête de l’emploi où Bernard a des arguments, et surtout des
contre-arguments, pour nous retenir.
Car Bernard est un champion de l’échec et l’échec est drôle
quand il est porté à la perfection. La fée qui s’est penchée sur le berceau du
héros, un demi-siècle plus tôt, devait être une sorcière pour glisser ce prénom
à l’oreille des parents : « je
ne trouve pas que ce soit un prénom gagnant. Dans cette identité qui est la
mienne, j’ai toujours ressenti le compte à rebours de l’échec. »
Depuis, les années ont passé, souvent en silence car on se
déplace en patins chez les parents de Bernard. La parole semble réservée à
Nathalie, l’épouse de Bernard, psychologue et toujours prête à utiliser son
conjoint comme cobaye. Comme il a tendance à voir tout en noir, l’exercice est
excellent. Pour elle. A propos de mauvais pressentiment, voire d’angoisse,
Alice, leur fille, joue son rôle. Elle a vingt ans et vient de quitter la
maison familiale pour le Brésil, où Bernard l’imagine déjà s’amourachant d’un
joueur de bossa nova…
Evidemment, au travail, ça ne va pas beaucoup mieux. La
banque où Bernard est conseiller financier subit le contrecoup de la crise
économique mondiale, il faut se séparer de quelques collaborateurs. Pas
Bernard, non : il a la tête de l’emploi, quelque chose de rassurant qui
pousse le directeur à le placer de plus en plus à la caisse, au contact direct
de la clientèle. Celle-ci, du coup, en mesurant l’étendue de la rétrogradation
qu’il a subie, perd confiance. Et Bernard, son emploi. Puis son épouse. Il va
falloir rebondir. Personne ne l’aide, bien sûr. Sauf ses parents. Mais il y a
encore quelque chose de tordu dans cette histoire.
Avouons-le : on a ri. Et conclu que David Foenkinos est toujours meilleur quand il écrit sans prétention.
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