Les Serbes retrouvent leur patrie en chantant
(De notre envoyé spécial.)
Salonique,
20 septembre.
Nous ne sommes encore qu’aux premières heures de
l’offensive. C’est notre aile gauche, composée de Français, de Serbes et de
Russes, qui la mène. En moins de quatre jours, nous nous sommes emparés de
Florina et nous l’avons dépassé et les Serbes viennent d’enlever
Kajmakalan ; c’est un gros succès.
Kajmakalan est une montagne de 2 562 mètres, c’est
la plus haute de tout le massif, elle est à environ 28 kilomètres à la
droite de Monastir.
C’est l’enthousiasme dans l’armée serbe. Ceux qui la
représentaient comme épuisée, lasse, et ne demandant plus qu’à s’asseoir le
long de ses frontières, ne la connaissaient pas ; elle n’est pas encore
fatiguée d’avoir tant combattu.
Cet été, sous 62 degrés au soleil, avec des sacs
qu’elle n’était pas habituée à porter, elle pouvait, sur les quais puants de
Salonique, paraître un peu désabusée ; à l’air de ses montagnes et devant
sa Patrie, elle n’a senti que son instinct guerrier.
Elle n’est pas arrivée d’un coup à Kajmakalan.
Kajmakalan, c’était le but, c’était, pour ainsi dire, le
sommet promis, puisque de Kajmakalan on voit Monastir. Auparavant, avec une
souplesse de mouvement qu’on ne lui connaissait pas encore, elle a escaladé
hauteurs et hauteurs.
Nos aviateurs qui guident leurs tirs et parfois leurs pas
restent étonnés de leur rapidité.
Au début de l’action, ils avaient calculé que les Français
mettant tant de temps pour répondre, les Serbes en mettraient un peu plus. Ils
en mirent un peu moins.
C’est que l’on n’est pas sorti de son pays par le haut, que
l’on n’a pas fait un plongeon dans la mer afin d’y rentrer par le bas, sans
ressentir, alors qu’enfin on la revoit en face, quelque fébrilité dans la
circulation de son sang.
C’est la division de la Drina qui mena le combat de Kajmakalan.
C’est celle qui, l’an passé presque à même époque, tint pendant deux semaines
une armée autrichienne sur la Danube ; c’est celle aussi qui, le long de
la voie ferrée, protégea la retraite entre Belgrade et Nisch. Elle chantait
tout de même alors, il paraît qu’elle chante toujours.
Vous verrez cela demain, nous dit un officier dont le sang aussi
est chaud, demain, je rejoins la division de la Drina.
Le Petit Journal, 21 septembre 1916.
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