La critique ne s'est pas montrée très enthousiaste devant le nouveau film de François Girard, adapté du roman d'Alessandro Baricco, Soie. J'ai, pour ma part, trouvé la réalisation plaisante, sans plus. Sans, surtout, y retrouver la magie d'une écriture qui m'avait séduit à la sortie du livre. Et vers lequel je conseille donc vivement de revenir.
Il s'agit d'un bref roman qui se déroule dans les années 1860, entre la France et le Japon. Dans le midi de la France, la production de la soie est une source de richesses considérables à cette époque. Hervé Joncour a pour tâche de se déplacer, de plus en plus loin, afin d'acheter les œufs qui donneront les vers producteurs de soie. Mais les épidémies déciment les élevages, et il faut aller de plus en plus loin pour trouver des œufs sains. En Syrie, en Égypte d'abord, puis même ces territoires deviennent peu sûrs pour la qualité de leur production. Il est nécessaire de trouver d'autres sources. Il en est une qui paraît tout à fait fiable, c'est le Japon. Non seulement c'est loin mais en outre, si ce pays vient d'ouvrir ses frontières, ce n'est certainement pas pour exporter des œufs de vers à soie. Hervé Joncour, mi-inconscient mi-aventurier, ne se pose cependant pas longtemps la question de savoir s'il vaut la peine de faire le voyage...
Il passa la frontière près de Metz, traversa le Wurtemberg et la Bavière, pénétra en Autriche, atteignit par le train Vienne puis Budapest et poursuivit jusqu'à Kiev. Il parcourut à cheval deux mille kilomètres de steppe russe, franchit les monts Oural, entra en Sibérie, voyagea pendant quarante jours avant d'atteindre le lac Baïkal, que les gens de l'endroit appelaient: mer. Il redescendit le long du fleuve Amour, longeant la frontière chinoise jusqu'à l'océan, et quand il fut à l'océan, resta onze jours dans le port de Sabirk en attendant qu'un navire de contrebandiers hollandais l'amène à Capo Teraya, sur la côte ouest du Japon. Là, les tribulations sont loin d'être terminées, même si la mission se déroule très bien. Mais tout est raconté avec la même distance, jusqu'à ce qui va suivre et qui est le nœud du roman: Hervé Joncour aperçoit une femme au visage de jeune fille et dont les yeux ne sont pas asiatiques. Il est marié en France, heureux, mais quelque chose s'ébranle en lui, qui le poussera à revenir, quoi qu'il arrive. Hervé Joncour ne le dit jamais, sans doute ne le sait-il même pas, mais il est amoureux.
D'ailleurs, que sait-il de sa propre vie? Il donne l'impression de n'avoir aucune prise sur les événements et de les subir plutôt que de les vivre intensément. Il n'empêche que l'intensité est présente, et de quelle manière! C'est tout l'art d'Alessandro Baricco, de nous placer au cœur même des choses, quitte à répéter les mêmes pages, de loin en loin, quand des événements se reproduisent - il en est ainsi des voyages vers le Japon, à quelques mots près -, ce qui produit un effet de «re-connaissance», comme si le lecteur lui-même avait mis ses pieds dans les traces d'Hervé Joncour.
Il est beaucoup question, dans ce livre, de blancheur et de légèreté - la soie, n'est-ce pas. La matière elle-même induit une fluidité parfaitement rendue par l'écriture, jusque dans la traduction. Mais aussi par les images et les gestes qui paraissent tendre le livre d'un tissu... soyeux dans lequel on se sent bien, au point de n'avoir pas envie de le quitter.
C'est d'ailleurs le seul reproche que je peux faire à Alessandro Baricco à propos de son roman: il ne nous laisse pas assez longtemps dans le bonheur de cette lecture. On aurait aimé que cela dure bien davantage... En même temps, la raison nous dit que, peut-être, la perfection eût été moins grande. Il fallait choisir et, à l'évidence, Alessandro Baricco a fait les bons choix.
Il s'agit d'un bref roman qui se déroule dans les années 1860, entre la France et le Japon. Dans le midi de la France, la production de la soie est une source de richesses considérables à cette époque. Hervé Joncour a pour tâche de se déplacer, de plus en plus loin, afin d'acheter les œufs qui donneront les vers producteurs de soie. Mais les épidémies déciment les élevages, et il faut aller de plus en plus loin pour trouver des œufs sains. En Syrie, en Égypte d'abord, puis même ces territoires deviennent peu sûrs pour la qualité de leur production. Il est nécessaire de trouver d'autres sources. Il en est une qui paraît tout à fait fiable, c'est le Japon. Non seulement c'est loin mais en outre, si ce pays vient d'ouvrir ses frontières, ce n'est certainement pas pour exporter des œufs de vers à soie. Hervé Joncour, mi-inconscient mi-aventurier, ne se pose cependant pas longtemps la question de savoir s'il vaut la peine de faire le voyage...
Il passa la frontière près de Metz, traversa le Wurtemberg et la Bavière, pénétra en Autriche, atteignit par le train Vienne puis Budapest et poursuivit jusqu'à Kiev. Il parcourut à cheval deux mille kilomètres de steppe russe, franchit les monts Oural, entra en Sibérie, voyagea pendant quarante jours avant d'atteindre le lac Baïkal, que les gens de l'endroit appelaient: mer. Il redescendit le long du fleuve Amour, longeant la frontière chinoise jusqu'à l'océan, et quand il fut à l'océan, resta onze jours dans le port de Sabirk en attendant qu'un navire de contrebandiers hollandais l'amène à Capo Teraya, sur la côte ouest du Japon. Là, les tribulations sont loin d'être terminées, même si la mission se déroule très bien. Mais tout est raconté avec la même distance, jusqu'à ce qui va suivre et qui est le nœud du roman: Hervé Joncour aperçoit une femme au visage de jeune fille et dont les yeux ne sont pas asiatiques. Il est marié en France, heureux, mais quelque chose s'ébranle en lui, qui le poussera à revenir, quoi qu'il arrive. Hervé Joncour ne le dit jamais, sans doute ne le sait-il même pas, mais il est amoureux.
D'ailleurs, que sait-il de sa propre vie? Il donne l'impression de n'avoir aucune prise sur les événements et de les subir plutôt que de les vivre intensément. Il n'empêche que l'intensité est présente, et de quelle manière! C'est tout l'art d'Alessandro Baricco, de nous placer au cœur même des choses, quitte à répéter les mêmes pages, de loin en loin, quand des événements se reproduisent - il en est ainsi des voyages vers le Japon, à quelques mots près -, ce qui produit un effet de «re-connaissance», comme si le lecteur lui-même avait mis ses pieds dans les traces d'Hervé Joncour.
Il est beaucoup question, dans ce livre, de blancheur et de légèreté - la soie, n'est-ce pas. La matière elle-même induit une fluidité parfaitement rendue par l'écriture, jusque dans la traduction. Mais aussi par les images et les gestes qui paraissent tendre le livre d'un tissu... soyeux dans lequel on se sent bien, au point de n'avoir pas envie de le quitter.
C'est d'ailleurs le seul reproche que je peux faire à Alessandro Baricco à propos de son roman: il ne nous laisse pas assez longtemps dans le bonheur de cette lecture. On aurait aimé que cela dure bien davantage... En même temps, la raison nous dit que, peut-être, la perfection eût été moins grande. Il fallait choisir et, à l'évidence, Alessandro Baricco a fait les bons choix.
Bonjour,
RépondreSupprimerJustement tout est là, dans la brièveté. Tout est dit en quelques pages, quelques mots.
J'ai également aimé ce roman. Je ne suis pas pressée de voir le film...