Antoine Bello avait frappé fort dans Les falsificateurs. Le jeune Sliv, islandais, y était engagé dans une organisation secrète, le Consortium de Falsification du Réel (CFR). Mission: remodeler un certain nombre de faits, accréditer des thèses sans fondement. Raconter des histoires et y faire croire en accumulant les preuves inventées de toutes pièces. La célèbre chienne Laïka, premier être vivant à avoir été envoyé autour de la Terre, aurait ainsi été inventée par un scénariste du CFR afin de provoquer les Américains et d’accélérer leur entrée dans la course à l’espace.
Les débuts de Sliv dans la falsification du réel ont été encourageants: son premier scénario frôlait la perfection en imaginant un peuple bochiman menacé par une multinationale décidée à l’exproprier de ses terres. Le deuxième, en revanche, avait été construit d’une manière plus désinvolte et il avait fallu le talent de Lena, une collègue ambitieuse, pour empêcher une catastrophe. La légèreté de Sliv avait entraîné l’assassinat d’un fonctionnaire néo-zélandais – du moins le lui a-t-on laissé croire jusqu’au moment où il a appris que tout cela était un autre montage destiné à lui faire comprendre les risques engendrés par les défauts d’un scénario.
Quand commence Les éclaireurs, suite annoncée à la fin des Falsificateurs, Sliv est agent des Opérations spéciales. Il retrouve Gunnar, qui l’avait engagé, et Nina, qu’il a connue à l’université toujours prête à militer pour les bonnes causes – elle n’a pas changé.
Surtout, il part au Soudan pour assister au mariage de ses amis et collègues, Magawati et Youssef. Il y découvre la montée d’un islam radical et assiste presque en direct, sur Al-Jazira, aux attentats du 11 septembre. Ils sont accueillis autour de lui avec enthousiasme. Quant à Sliv, il est dès ce moment taraudé par une question qui sera au centre de ce deuxième volume: «le CFR portait-il une part de responsabilité dans les attaques qui avaient ensanglanté l’Amérique?»
Œuvrant, semble-t-il, en faveur d’un monde meilleur, le CFR utilise parfois des moyens détournés et dangereux pour favoriser une prise de conscience qui aide à la reconstruction. Ce fut le cas (selon le roman, bien sûr), dans l’Allemagne des années soixante: Andreas Baader a été désigné comme le leader de la Fraction Armée Rouge alors qu’il était «en fait le leader d’un des groupuscules les moins structurés». L’adversaire connu, il ne restait qu’à l’éradiquer.
Selon la même méthode, le Consortium a ensuite monté en épingle le personnage d’Oussama Ben Laden, faisant de lui le dirigeant d’Al-Qaida – nom inventé par le CFR et adopté par Ben Laden. Puis la création a dépassé ses créateurs, aboutissant au 11 septembre et à l’inquiétude morale de Sliv.
Après une parenthèse au cours de laquelle les talents du héros font merveille pour l’entrée du Timor-Oriental au sein de l’ONU – il y a quelques scènes d’anthologie dans cette semaine d’improvisations mensongères –, Sliv revient à sa préoccupation principale et tente de comprendre où les choses ont dérapé. Comme il le disait un jour à Youssef, leur travail est un jeu. Et ce n’est pas un jeu…
Du 11 septembre 2001 à la veille de l’entrée en guerre des Etats-Unis et de leurs alliés sur le territoire irakien, Antoine Bello démonte, par le truchement de Sliv, la manière dont les Américains imposent l’idée de la présence d’armes massives. Ainsi que les implications du CFR dans l’évolution de la tension internationale: si son Comité exécutif reconnaît le rôle qu’il a joué en se sabordant, pourra-t-il désamorcer la crise et éviter la guerre?
De plus en plus proche des têtes pensantes de l’organisation, Sliv réussit à percer le secret de sa création, deux cents ans plus tôt, ainsi que celui du but poursuivi. Une surprise de grande dimension, une déception. Et l’occasion d’inverser quelques propositions: «la vérité n’est qu’un scénario parmi d’autres», qui mérite d’être aussi pris en considération.
Le montage époustouflant d’Antoine Bello ressemble à un thriller qui nous donnerait les clés du monde. Et une raison d’y vivre, d’y agir.
Les débuts de Sliv dans la falsification du réel ont été encourageants: son premier scénario frôlait la perfection en imaginant un peuple bochiman menacé par une multinationale décidée à l’exproprier de ses terres. Le deuxième, en revanche, avait été construit d’une manière plus désinvolte et il avait fallu le talent de Lena, une collègue ambitieuse, pour empêcher une catastrophe. La légèreté de Sliv avait entraîné l’assassinat d’un fonctionnaire néo-zélandais – du moins le lui a-t-on laissé croire jusqu’au moment où il a appris que tout cela était un autre montage destiné à lui faire comprendre les risques engendrés par les défauts d’un scénario.
Quand commence Les éclaireurs, suite annoncée à la fin des Falsificateurs, Sliv est agent des Opérations spéciales. Il retrouve Gunnar, qui l’avait engagé, et Nina, qu’il a connue à l’université toujours prête à militer pour les bonnes causes – elle n’a pas changé.
Surtout, il part au Soudan pour assister au mariage de ses amis et collègues, Magawati et Youssef. Il y découvre la montée d’un islam radical et assiste presque en direct, sur Al-Jazira, aux attentats du 11 septembre. Ils sont accueillis autour de lui avec enthousiasme. Quant à Sliv, il est dès ce moment taraudé par une question qui sera au centre de ce deuxième volume: «le CFR portait-il une part de responsabilité dans les attaques qui avaient ensanglanté l’Amérique?»
Œuvrant, semble-t-il, en faveur d’un monde meilleur, le CFR utilise parfois des moyens détournés et dangereux pour favoriser une prise de conscience qui aide à la reconstruction. Ce fut le cas (selon le roman, bien sûr), dans l’Allemagne des années soixante: Andreas Baader a été désigné comme le leader de la Fraction Armée Rouge alors qu’il était «en fait le leader d’un des groupuscules les moins structurés». L’adversaire connu, il ne restait qu’à l’éradiquer.
Selon la même méthode, le Consortium a ensuite monté en épingle le personnage d’Oussama Ben Laden, faisant de lui le dirigeant d’Al-Qaida – nom inventé par le CFR et adopté par Ben Laden. Puis la création a dépassé ses créateurs, aboutissant au 11 septembre et à l’inquiétude morale de Sliv.
Après une parenthèse au cours de laquelle les talents du héros font merveille pour l’entrée du Timor-Oriental au sein de l’ONU – il y a quelques scènes d’anthologie dans cette semaine d’improvisations mensongères –, Sliv revient à sa préoccupation principale et tente de comprendre où les choses ont dérapé. Comme il le disait un jour à Youssef, leur travail est un jeu. Et ce n’est pas un jeu…
Du 11 septembre 2001 à la veille de l’entrée en guerre des Etats-Unis et de leurs alliés sur le territoire irakien, Antoine Bello démonte, par le truchement de Sliv, la manière dont les Américains imposent l’idée de la présence d’armes massives. Ainsi que les implications du CFR dans l’évolution de la tension internationale: si son Comité exécutif reconnaît le rôle qu’il a joué en se sabordant, pourra-t-il désamorcer la crise et éviter la guerre?
De plus en plus proche des têtes pensantes de l’organisation, Sliv réussit à percer le secret de sa création, deux cents ans plus tôt, ainsi que celui du but poursuivi. Une surprise de grande dimension, une déception. Et l’occasion d’inverser quelques propositions: «la vérité n’est qu’un scénario parmi d’autres», qui mérite d’être aussi pris en considération.
Le montage époustouflant d’Antoine Bello ressemble à un thriller qui nous donnerait les clés du monde. Et une raison d’y vivre, d’y agir.
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