Il y avait la guerre des boutons, celle de Louis Pergaud dont quelques personnes se souviennent (le texte est disponible dans une foultitude de collections papier et en livre électronique), celle d'Yves Robert dont tout le monde se souvient, il y a maintenant la guerre de la guerre des boutons, à cause de deux films qui seront très vite oubliés, mais dont on parle beaucoup.
Est-ce l'atmosphère belliqueuse créée par la double adaptation? (J'en doute, et je doute que vous le pensiez, mais s'il me fait plaisir de l'avancer, hein?) Toujours est-il qu'une autre guerre, qui m'amuse beaucoup moins, semble déclarée.
Face à face, deux intégristes du support digne de la lecture.
Frédéric Beigbeder fait beaucoup parler, quand il n'en parle pas lui-même, de Premier bilan après l'apocalypse, interdit aux habitués de l'écran à qui l'auteur promet sa main dans la gueule (l'expression est de lui, je ne me serais pas permis) s'il surprend un de ces voyous (l'expression est de moi) à lire son livre dématérialisé. Il avait le choix entre la colère et la peur, il a choisi la colère, par peur.
Peur de quoi?
Je vous laisse apprécier ses arguments: c'est le papier qui a permis au roman de naître et, sur écran, fini le roman. En revanche, explosion de la bêtise, fracture de l'imagination, épanchement de lieux communs, et tout ce que vous pourrez imaginer, qu'il résume en un mot: apocalypse. Now?
Le comble: Premier bilan après l'apocalypse est vendu aussi sous forme de livre électronique. On ne le lui a pas dit, au Frédo? En voilà encore un qui aura fauté contre ses principes à l'insu de son plein gré...
Face à lui se lève Laurent Margantin, qui annonce dans Œuvres ouvertes un Passage au 100% numérique en décidant de ne plus consacrer sa revue en ligne qu'à des ouvrages inscrits dans le courant novateur de l'édition numérique. "Passer au 100% numérique, c’est aussi alerter cette presse littéraire
totalement assujettie à la logique commerciale des grands éditeurs,
c’est leur signifier clairement qu’ils sont en train de se couper et de
la création littéraire contemporaine – qui n’a plus lieu dans les revues
papier, mais en ligne –, et des pays émergents dans leur nouveaux usages numériques.
Ici, il ne sera donc question que de textes qui participent de cette
réalité nouvelle, soit toutes les œuvres déjà numérisées du domaine
public, les textes de littérature contemporaine édités seulement en
numérique ou en même temps sur papier et en numérique, démarche amenée à
se répandre."
Pour illustrer son propos, il affiche, en tête de page, l'illustration suivante, à travers laquelle il veut montrer, je suppose son mépris désormais définitif pour l'édition traditionnelle, ou dite telle.
En ce qui me concerne, je renvoie Frédéric Beigbeder et Laurent Margantin entre les murs de la prison qu'ils semblent tant chérir, chacun la sienne, bien sûr. Comment, mais comment ne voient-ils pas que toutes les manières d'éditer sont bonnes, qu'elles se complètent sans s'annuler, qu'elles s'adaptent aux auteurs bien plus que le contraire? (Je suis effondré quand je lis, ici ou là, des conseils aux jeunes écrivains: faites court, pensez à la capacité réduite de concentration du lecteur devant un écran, moi qui suis en train de lire sur écran - du moins, j'y retourne dès que j'ai terminé cette note - un roman de 640 pages, dont la couverture de l'édition papier se trouve d'ailleurs, par un malicieux hasard, biffée ci-dessus.)
Beigbeder semble rétrograde et Margantin, moderne?
Non. Ils sont tous les deux à côté de la plaque.
C'est bien sûr vrai que tout est bon à prendre, je suis à 100% d'accord, mais j'ai envie d'apporter un petit bémol quand même à votre réflexion : d'un côté un pape des médias qui est sûr d'avoir de l'écho quoiqu'il fasse dès qu'il se mouche ou éternue, et de l'autre quelqu'un qui veut rétablir une balance qu'il trouve injuste.
RépondreSupprimerSi l'on fait un tour d'horizon des sites ou des revues qui parlent de littérature contemporaine, le numérique est purement et simplement passé sous silence. Pas de déclarations fracassantes cependant. Si le Matricule des anges ou le Monde des livres (ou tout autre prescripteur de lectures) avait déclaré haut et fort : "Non, nous ne parlerons pas du numérique, jamais !" vous vous élèveriez contre cette "prison", cette sottise discriminatoire, mais rien, que le silence (qui cache sûrement un grand mépris). Begbeider, lui, parle très fort. Et tout le monde l'entend.
J'approuve vos nuances. Sans croire pour autant au mépris des prescripteurs de lectures. Plutôt, oui, à un certain immobilisme sur lequel on pourrait gloser longtemps, et dans lequel je crois voir surtout le poids des habitudes, une certaine paresse, un manque de moyens, etc.
RépondreSupprimerSi peux me permettre de rejoindre votre discussion... Le seul problème du "manifeste" du 100% numérique, c'est que son auteur original ne laisse pas tomber le livre imprimé pour autant, il dit, qu'il laissera le papier au papier et le numérique au numérique. Très bien, puisqu'il se trouve qu'il soit critique dans un magazine littéraire connu et pas des moindres. La culture du web ghetto ne risque donc pas de l'enfermer.
RépondreSupprimerJe suis tout à fait d'accord avec vous...
RépondreSupprimerEn revanche, ce qui me préoccupe, c'est que j'ai bien du mal à trouver des liseuses en Belgique: entre une librairie où on ne peut pas vous montrer les deux modèles en rayon parce que le responsable n'est pas là et qu'on n'y connaît rien,une chaîne de magasins où il n'y a plus qu'un vieux modèle mais où on pense qu'il y en aura sans doute d'autres bientôt mais on ne sait pas quand... et l'achat en ligne, pas moyen de prendre l'objet en main, de voir les avantages et les inconvénients comme c'était possible à la Foire du livre sur le stand de la CF (pardon de la Fédération WB).
Où acheter, quoi acheter?