samedi 7 juillet 2012

Des poches pour votre été (2/2)

Deuxième et dernière partie de ma sélection de livres au format de poche pour l'été. Si vous ne trouvez pas votre bonheur dans ce choix, c'est à n'y plus rien comprendre...


Gideon Defoe
Dans la série des Pirates ! où Gideon Defoe s’en donne à cœur joie entre aventures loufoques et trouvailles de langage, demandez le livre. Charles Darwin fait partie de la distribution. Il aurait préféré ne pas rencontrer cette bande de dingues qu’aucune paillardise n’arrête, surtout quand ils débarquent à Londres, ville de tous les plaisirs. Quand ils en auront terminé avec les savants, ils se mettront aux baleines, deuxième titre paru en même temps dans la collection.

Robert Goolrick
Ce livre n’est pas pour celles et ceux qui sont prédisposés à la dépression. On a rarement lu quelque chose d’aussi désespéré, où un homme rouvre des blessures d’enfance qui ne cicatriseront jamais. Famille normale, carrière banale, vie affective plate. Ou comment continuer après ce qui est arrivé, dont l’aveu suit un chapitre insoutenable de tension, préparé par ce qui précédait et qui annonçait une explosion. Elle est plus violente que prévu, on s’en remettra mal.

Patrick Lapeyre
Un diamant pur, le prix Femina 2010. Pas parce que le sujet serait original. Un homme, la quarantaine, a attendu deux ans que sa maîtresse lui fasse signe. Il la retrouve, entre éblouissement et douleur. On a lu ça des centaines de fois. Mais il y a la manière, un style inimitable qui tient la phrase légèrement au-dessus des personnages, à moins que ce soit à côté. Toujours est-il qu’on entre émerveillé dans un roman au charme persistant, même au-delà de sa dernière page.

Marguerite Duras et François Mitterrand
Publiés dans L’Autre Journal de Michel Butel en 1986, les cinq entretiens entre Duras et Mitterrand sont devenus presque mythiques. Le président accepte d’aller sur tous les terrains où l’entraîne l’écrivaine, même s’il ne partage pas son admiration pour Reagan. Ce qu’ils ont vécu ensemble dans la Résistance est le sujet de la première rencontre dans laquelle surgit, très présente, la figure de Robert Antelme. Les deux voix semblent sincères, ce qui est assez rare pour être souligné.

Umberto Eco
Umberto Eco n’a presque rien inventé, sinon l’essentiel : un personnage de faussaire dédoublé en abbé qui serait l’auteur à la fois du Protocole des sages de Sion et du document qui a fait condamner Dreyfus. Sur le ton d’un Dumas qui aurait rencontré Freud (appelé Froïde), la fin du 19e siècle déroule des complots dans lesquels jésuites et francs-maçons trouvent leur place. Aussi échevelé que brillant, le roman est digne de ceux qui ont rendu leur auteur célèbre.

Melville
Si l’on a de bons yeux, car la typographie est minuscule, on (re)lira avec plaisir ce texte inépuisable. La résistance de Bartleby à son chef est parfaite. « I would prefer not to », répond-il. Et chaque traducteur de faire un choix difficile entre les différentes possibilités en français. Ici : « J’aimerais mieux pas », qui contamine les autres employés du bureau. Linda Lê à la présentation, Gilles Deleuze en postface, et deux autres textes de Melville pour compléter.

Simonetta Greggio
Simonette Greggio retrace vingt années de convulsions italiennes. Très documenté, son roman prend appui sur le récit d’un vieil homme, personnage de fiction qui pourrait être le Guépard de son époque. La fresque est somptueuse, peinte aux couleurs de la corruption et des luttes pour le pouvoir. Mais c’est l’argent qui domine et provoque des violences aux intentions masquées et aux conséquences encore visibles. La référence du titre à Fellini donne le ton.

Paul Auster
James Freeman, romancier, a perdu de vue Adam Walker, un ami rencontré à l’université. Quand celui-ci se manifeste, beaucoup plus tard, c’est pour lui demander de l’aider à terminer l’écriture d’un livre très personnel. Il y raconte des relations ambigües, authentiques ou non. Le destinataire du manuscrit aimerait savoir mais se perd dans des vérités contradictoires. Paul Auster, sous l’apparente confusion, tire des fils précis qu’on ne lâchera pas.

Martin Suter
Allmen a été un homme riche, qui dépensait sans compter. Il continue à dépenser de la même manière, même si ses revenus ont diminué. Dans ce premier volume – d’autres suivront –, il finira par trouver une activité prometteuse. Non sans avoir pris des chemins détournés qui le conduisent du mauvais côté de la morale. Mais la morale n’est pas ce qui le préoccupe le plus, et le personnage entre d’emblée dans la catégorie de ceux qu’on a envie de connaître mieux.

Marco Mancassola
Les super-héros fatigués survivent avec difficultés à leur légende. D’autant qu’ils sont menacés de mort par un meurtrier en série. Leurs efforts pour rester à la hauteur sont pathétiques. Et vains. Marco Mancassola s’empare de quelques mythes auxquels il mène la vie dure. Si la vie sexuelle de Batman et de Superman est au centre du roman, c’est parce qu’un médecin croit pouvoir tirer profit de sa description. Le rêve est loin.

Jo Nesbø
Récupérer Harry Hole est déjà une aventure. Il se cache dans un quartier pourri de Hong Kong où l’efficace et très belle Kaja Solness doit le récupérer. Harry Hole, si on ne le sait pas, est un flic norvégien désespéré. Mais le meilleur pour résoudre des affaires tordues. On a donc besoin de lui pour comprendre ce qui est arrivé à deux femmes retrouvées baignant dans leur sang. Et ce qui peut arriver ensuite.

Jacqueline Harpman
Sur la trame d’une nouvelle de Barbey d’Aurevilly, Jacqueline Harpman montait en 1993 une machine infernale. Deux personnages bloqués dans un embouteillage, une maison emplie de secrets et un récit à tiroirs en activaient les rouages avec l’art subtil de retarder les révélations les plus spectaculaires. Cette réédition suit de près la disparition de l’écrivaine. Elle est idéale pour faire découvrir son talent à de nombreux lecteurs pour lequel le bonheur se trouvera dans ses livres.

Eduardo Sacheri
Benjamín Chaparro n’est ni juge ni écrivain. Fonctionnaire au Palais de Justice, il a néanmoins pris à cœur le meurtre de la jeune et belle Liliana ainsi que le désarroi de son mari. Retraité, il tente d’écrire une histoire d’amour et de vengeance qui devient ce roman, hanté par le climat troublé de la dictature argentine. Les difficultés de l’enquête et celles de l’écriture se rejoignent dans un superbe roman, dont l’adaptation a remporté l’Oscar du meilleur film étranger en 2010.

Colette Nys-Masure
Colette Nys-Masure tisse patiemment le poème, à fleur d’émotions retenues, dans un double mouvement qui fascine Sylvie Germain, signataire de la préface. Elle est « la terrienne et la contemplative, la nourricière et la glaneuse, la charnelle et la rêveuse. » Sa foi s’habille de sensualité, dans une démarche dont la cohérence saute aux yeux grâce à un fort volume rassemblant plus de trente-cinq ans d’écriture. L’écrivaine a tout d’une grande, peut-être ne le sait-on pas assez.

Chris Cleave
Petite Abeille a un jour rencontré Andrew et Sarah, un couple de journalistes britanniques sur une plage du Nigeria. Le même jour, elle a failli mourir et seul un geste terrible de Sarah l’a sauvée. Quand elle quitte le centre de rétention où elle a été détenue deux ans après avoir atteint l’Angleterre, Petite Abeille entre dans un autre drame. La confrontation des peurs intimes et de leurs cultures pourrait séparer deux femmes qui, au contraire, nouent des liens profonds.

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