Pour les dix ans du Prix Prem1ère, les Innocents sont montés
sur scène à la Foire du livre de Bruxelles. Et Pascal Manoukian a été couronné
avec son premier roman, c’est la règle, Les échoués. Un peu inférieur à beaucoup d’ouvrages primés les années
précédentes, mais résonnant profondément avec l’actualité. Je ne l’avais pas lu
au moment de sa sortie en août dernier, je viens de le reprendre et de faire,
avec les quatre personnages principaux, une traversée éprouvante.
Je vois bien ce qui a touché les membres du jury cette
année : un sujet fort, les réfugiés qui se retrouvent en France, sans
papiers, illégaux donc, pressés par la nécessité de changer de vie et le besoin, tout
simplement, de survivre. Le premier Prix World Press Photo, attribué hier aussi,
est allé à l’Australien Warren Richardson, pour une photo nocturne d’un réfugié
tendant un bébé à un autre, à travers les barbelés installés à la frontière
serbo-hongroise. Le drame se déroule quotidiennement sous nos yeux, par médias
interposés, et suscite des débats qui pèsent sur la société européenne, à en
oublier parfois les enjeux bien plus fondamentaux pour les réfugiés eux-mêmes.
Pascal Manoukian, qui a fait une grande carrière de
journaliste, n’a pas oublié ce qu’il a vu sur tous les terrains arpentés dans
l’exercice de son métier. Ceux qu’il a vus, aussi, dont probablement
s’inspirent les personnages de son roman. Virgil vient de Moldavie, où des
familles en sont réduites à vendre les organes de leurs enfants. Chanchal a
appris, au Bangladesh, la patience d’attendre la fin de la mousson – quatre
mois par an. Assan était pêcheur en Somalie, avant que la guerre emporte avec
sauvagerie presque toute sa famille, sauf sa fille Iman, qui l’accompagne dans la fuite.
Les trois hommes, dont aucun ne connaît le pays des autres,
échouent au même endroit et partagent le destin des clandestins : vivre
cachés et être exploités par des négriers pour qui cette main-d’œuvre capable
de battre des records de productivité pour des sommes dérisoires est une
aubaine. La vie ne leur a pas fait de cadeaux, et ça continue, à un détail
près, dont on ne sait s’il est aussi bénéfique qu’il en a l’air. Quant à Iman,
vous découvrirez comment le malheur la frappe plus durement encore.
Le romancier ne prend pas de gants et force même certains
traits, si bien que les personnages manquent de nuances et semblent parfois
n’agir que pour justifier le fonctionnement du récit. Celui-ci n’en garde pas
moins une valeur de témoignage sur l’envers d’un décor auquel nous n’avons pas
accès.
Ah ! un détail, qui n’en est pas un : tout cela se déroule non en 2015 mais en 1992. Car, oui, déjà alors…
Ah ! un détail, qui n’en est pas un : tout cela se déroule non en 2015 mais en 1992. Car, oui, déjà alors…
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