Edmond Picard… On écrit le nom avec des pincettes, on le réédite en sachant combien l’antisémitisme et le racisme du bonhomme sont répugnants. Même quand il voyage au Congo, il faut qu’il trouve un détour pour vilipender les Juifs. Moins que les Noirs, certes. Ceux-ci, il les a sous la main, sous les yeux et, peut-on dire, dans le nez.
Quand on découvre, à propos du Léopoldville arrivant à Boma, la « netteté » du bateau, semblable à celle qu’admiraient les badauds à son départ d’Anvers, c’est avec une indispensable précision : « On ne croirait pas qu’il a subi quinze jours durant la charge d’un déshonorant fumier. » Le « déshonorant fumier » en question était constitué d’un contingent de travailleurs sénégalais embarqués pour travailler au chemin de fer congolais…
L’odeur des passagers, entendons de ces passagers-là, a en effet marqué l’auteur : « La brise qui souffle de l’avant ramène sur le navire l’odeur répugnante de leur fermentation acide et berce d’un roulis doux leur sommeil de brutes. » Cette « odeur de fauves » véhicule et conforte par les narines bon nombre de clichés auxquels les femmes du Congo n’échappent pas. Les colons, s’ils ne restaient pas si longtemps sur place, auraient toutes les raisons de se détourner d’elles : « L’odeur, la teinte, la physionomie indéchiffrable sous les ténèbres du derme, l’aspect vulvaire et sanguinolent de la bouche malgré la splendeur de la denture, apaisent les velléités masculines. »
La question des « races », qui compte (et l’écrire n’est rien) pour Edmond Picard, trouve des aliments nouveaux dans son voyage, même s’il n’en avait pas besoin pour se convaincre. « Malgré les bonnes volontés les plus humanitaires, l’irréductible différence des races s’affirme ; elle s’affirme malgré les rêves chrétiens, l’automorphisme bienveillant qui parfois, au passage des noirs et des noires, nous fait objectiver en eux nos sentiments, nos pensées, nos aptitudes », la démonstration est sans appel. Forcément : il y est allé, il a vu et ne raconte que ce qu’il a vu. À peine revendique-t-il ses conclusions – elles sont, dans son esprit, de telles évidences ! Encore : « Comme le singe, le noir est imitateur. » Ils sont, par conséquent, incivilisables.
Alors ? On le réédite quand même, ce livre ? Bien sûr !
Au contraire de ceux qui voudraient gommer les traces du racisme dans le passé, réécrire les textes, transformer des titres d’œuvres et, pourquoi pas, conduire à l’ignorance de ce qui fut, nous pensons, à la Bibliothèque malgache, qu’il est essentiel de savoir ce que fut le colonialisme. Probablement parce que cette maison d’édition est implantée dans un pays qui fut aussi une colonie et où resurgissent parfois aujourd’hui, chez certains Européens, des réflexes d’un autre temps (au temps béni ?). Nous ne regarderons jamais assez ce miroir qui nous renvoie une étonnante image de nous-mêmes…
Après André Baillon et Camille Lemonnier, un troisième auteur s'invite dans la collection numérique Bibliothèque belgicaine de la Bibliothèque malgache. En Congolie, suivi de Notre Congo en 1909, est disponible dans toutes les librairies proposant un rayon dédié à l'ebook, au prix de 2,99 €.
Camille Lemonnier. Ceux de la glèbe
André Baillon. Chalet 1
André Baillon. Un homme si simple
Camille Lemonnier. Au cœur frais de la forêt
Camille Lemonnier. L’hallali
André Baillon. Par fil spécial
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